ARISTIDE-BRIAND
né à Nantes (Loire-Inférieure) le 28 mars 1862, mort
à Paris le 7 mars 1932.
Député de la Loire de 1902 à 1919,
Député de la Loire-Inférieure de 1919 à 1932.
Ancien Ministre,
ancien Président du Conseil.
Aristide-Briand est, né à Nantes
où son père, d'origine bretonne, et sa mère, vendéenne,
étaient établis aubergistes.
Après avoir fait ses études comme boursier
au collège de Saint-Nazaire, puis au lycée de Nantes et les
avoir terminées à la Faculté de droit de Paris, il
revint à Saint-Nazaire, où il s'installa comme avocat. Attiré
par la politique, il écrivit dans la Démocratie de l'Ouest
des articles violents et anticléricaux, entra ensuite comme directeur
politique à L'Ouest républicain et. se fit élire
conseiller municipal. Il se présenta, mais sans sucrés, aux
élections législatives de 1889. Il s'était fait «
syndicaliste » et préconisait alors la grève générale
comme" le seul moyen de conduire le parti ouvrier au triomphe de ses revendications
"'
Démissionnaire du barreau de St-Nazaire au début
de 1893, il vint se fixer à Paris où, pendant quelque temps,
il mena la vie un peu débraillée des cafés
et les brasseries, puis entra à La Lanterne où il donna
des comptes rendus de réunions et finit par devenir secrétaire
général. Il poursuivait toujours sa campagne pour la grève
générale qui devait être "la révolution, mais une
révolution qui permettra au prolétaire du passer du domaine
des mots à celui da la réalité". La grève
générale devait encore, selon lui, "répondre à
la déclaration de guerre". Il conseillait aux soldats "de tirer sur
leurs officiers" si ceux-ci, dans une grève, ordonnaient de faire
feu.
Il essaya de nouveau d'entrer à la Chambre aux élections
d'août 1893, dans le quartier de La Villette, mais il échoua
encore. Il se remit à militer au sein des congrès ouvriers et.,
se liant avec Viviani, Jaurès et Fournière, fonda avec eux
le "parti socialiste français" qui allait s'opposer aux
thèses doctrinaires de Jules Guesde et de Lafargue et du parti ouvrier.
En 1898, nouvelle tentative infructueuse pour entrer
à la Chambre dans la Seine, à Clichy, et ce nouvel échec
lui fit perdre un même temps sa situation à
La Lanterne. Par contre, il prenait de plus en plus une place de
premier plan dans les congrès socialistes où sa parole faisait
une grande impression, et au barreau où il plaidait surtout dans les
affaires ayant un sens ou une portée politique.
En 1902, il venait de défendre avec éclat
Gustave Hervé et le journal Le Pioupiou de l'Yonne lorsqu'il
réussit, enfin, à se faire élire, au premier tour de
scrutin. Député de la première circonscription de Saint-Etienne
et, dès lors, son mandat allait lui être renouvelé à
chaque consultation, dans la Loire qu'en 1919, ensuite à Saint-Nazaire.
Dès son arrivée à !a Chambre, Briand
prit une des premières places, grâce au charme de sa voix et
à l'originalité de son expression qui atteignait souvent au
lyrisme, mais tombait quelquefois dans la gouaille populaire.
Il fit ses débuts avec un succès retentissant dans une
interpellation à propos de la mort d'un gréviste au cours d'une
manifestation, puis fut désigné comme rapporteur de la loi de
séparation des églises et de l'État et là,
il se révéla comme un debateur de grande envergure. S'appuyant
sur la doctrine de l'Assemblée Constituante de 1789, qui avait proclamé
que l'Église avait seulement la gestion, mais non la propriété
des biens du clergé, il revendiqua pour la République le droit
de supprimer le budget de Cultes. Mais il pensait que le projet de loi qu'il
rapportait pouvait et devait assurer la séparation et la paix dans
le respect loyal et complet des droits de chacun. Il avait eu d'ailleurs
l'habileté de s'entourer des avis de hautes personnalités catholiques
et même d'évêques libéraux.
Lorsqu'au début de 1906, à la suite des
inventaires des biens des églises et des incidents qui en résultèrent,
le cabinet Rouvier eut été renversé, Briand reçut
le portefeuille de l'Instruction publique et des Cultes dans le cabinet Sarrien
(14 mars 1906) et le conserva dans le Ministère Clemenceau (25 octobre
1906) puis, à la mort de Guyot-Dessaigne le 21 décembre 1907,
il prit, à partir du 4 janvier 1908 le Ministère de la Justice
auquel les Cultes furent rattachés C'est à lui, dans ces divers
ministères, qu'incomba la mise en application de la loi de séparation
et. il s'en acquitta avec une modération qui réussit à
la faire accepter l'Église et les fidèles.
Président du Conseil, avec les portefeuilles de
l'Intérieur et des Cultes après la démission de Clemenceau
(24 juillet 1909), il se prononça, à la veilla des élections
de 1910 contre la représentation proportionnelle, mais, après
le renouvellement de la Chambre, il déposa un projet qui combinait
ce mode de scrutin avec le système majoritaire. Le projet ne fut d'ailleurs
pas retenu. Ce nouveau passage aux affaires fut marqué par de graves
incidents, notamment par la grève des inscrits maritimes et par celle
des agents des chemins de fer. A la stupéfaction de ses anciens amis
politiques, il fit occuper militairement certaines gares et plusieurs lignes,
prononça la réquisition du personnel et interpellé à
la Chambre, il déclara "que si le Gouvernement n'avait pas trouvé
dans ta loi les moyens de rester maître de ses chemins de fer, il serait
allé jusqu'à l'illégalité ". Dans la séance
du 11 octobre 1910, Jules Guesde et les 74 députés socialistes,
rappelant ses anciennes déclarations sa: la grève générale,
demandèrent sa mise en accusation, mais la Chambre l'approuva. Toutefois,
plusieurs de ses collègues du cabinet n'étant pas d'accord avec
lui sur l'interprétation du droit de grève, il remit sa démission
au Président de la République (3 novembre 1910). Comme il n'avait
pas été mis en minorité par la Chambre, il fut chargé
de reformer le Ministère, mais ce fut pour peu de temps; le désaccord
persistant, il démissionna le 27 février 1911.
Le 14 janvier 1912, après la chute du cabinet
Caillaux, Poincaré lui confia le portefeuille de la Justice dans son
Ministère, puis, après son élection à la présidence
de la République le 17 janvier 1913, s'étant démis de
ses fonctions de Président du Conseil, AristideBriand fut appelé
à lui succéder et forma son 3° cabinet le 21 janvier. Le
18 février suivant, au moment où débuta le septennat
du Président Poincaré, Aristide Briand lui remis, selon la
tradition, la démission de son Ministère; mais Poincaré
lui demanda de rester en fonction avec toute son équipe.
Devant les dangers grandissants de la situation
internationale, il déposa sur le Bureau de la Chambre un projet de
loi tendant au retour au service militaire
de trois ans. Mais il se heurta à de nouvelles difficultés
avec les projets de réforme électorale. Partisan de la représentation
des minorités, il dénonça dans un discours à Périgueux
le scrutin d'arrondissement comme conduisant à la "pulvérisation
des partis", à la "dissociation nationale", et parla de lui comme
des "mares stagnantes", mot qui fit fortune. La Chambre le suivit mais le
Sénat n'accepta qu'une partie de son projet. Sur un amendement de
M. Peyral qui fut adopté et aux termes duquel nul ne serait proclamé
élu s'il avait moins de voix que son concurrent, amendement qui, en
fait, ruinait son projet, il démissionna le 18 mars 1913.
Lorsque, le 26 août 1914, la guerre déclarée,
Viviani reconstitua son Ministère pour en faire un cabinet d'union
nationale, Briand prit le portefeuille de la Justice et devint Vice-Président
du Conseil. Il le restera jusqu'au 29 octobre 1915 où Viviani se retirera
pour permettre la constitution d'un Ministère représentatif
des plus hautes personnalités politiques et militaires. Aristide Briand
prit la tête de cette formation; ce fut son 5° cabinet. Il fut l'un
des artisans de l'expédition de Salonique et de la création
d'un nouveau front dans les Balkans, idée qu'il sut faire triompher
à la conférence de Calais (décembre 1915). Il s'employa
également à réaliser une coordination plus étroite
des efforts des alliés et, là encore, ses conceptions l'emportèrent
(Conférence de Paris, mars 1916). C'est à la suite de ces conférences
que le commandement en chef fût réorganisé et que Joffre,
promu Maréchal de France, fut remplacé par Nivelle le 12 décembre
1906. Aristide Briand remania son Ministère pour y introduire un Comité
de Guerre siégeant en permanence.
Briand fût moins heureux à la Conférence
de Rome (janvier 1917), où il ne réussit pas à faire
prononcer par les alliés la déposition du roi Constantin de
Grèce. C'est dans ce même moment que, repoussant une offre de
paix allemande qui se produisait au lendemain de la prise de Bucarest, il
la dénonça comme une manœuvre destinée "à empoisonner
le pays, à troubler les consciences et à faire chanceler le
moral des peuples".
La démission de Lyautey, Ministre de la
Guerre, le 14 mars 1917, entraîna la chute du cabinet et, pendant quatre
ans, Briand demeura en dehors du Gouvernement. Il ne revint aux affaires
que la guerre terminée, le 16 janvier 1921. Il constitua un nouveau
cabinet d'union nationale dont seuls, les socialistes révolutionnaires
étaient exclus. Ce fut la période difficile des règlements
internationaux consécutifs à la guerre. (conférence
de Paris, janvier 1921; de Londres, mars 1921). Devant la mauvaise volonté
allemande, il prononça son fameux discours où il disait "qu'il
fallait mettre la main au collet de l'Allemagne" et l'obliger à payer.
Il fit occuper Duisbourg, Ruhrort et Dusseldorf et fit
sommation à l'Allemagne de s'acquitte sous peine de sanctions économiques.
Ce furent alors les accords financiers d'août 1921, l'accord de Wiesbaden
de 6 octobre sur les réparations en nature, mais qui ne furent que
partiellement tenus. Puis ce fut la conférence de Washington qui devait
régler une foule de difficultés relatives aux armements navals
et à leur limitation, aux droits des puissances dans le Pacifique,
à la souveraineté de l'État chinois, à la position
du Japon vis-à-vis du continent asiatique. En janvier 1922, une nouvelle
conférence se tenait à Cannes. Aristide Briand négociait
lorsqu'un télégramme de Poincaré lui rappela "que rien
ne pouvait devenir définitif sans l'accord des Chambres".
Une opposition grandissait en effet au Parlement contre
la politique du Ministre qu'on accusait de faire trop de concessions aux intérêts
de nos alliés. Aristide Briand revint à Paris s'expliquer devant
la Chambre, puis remis sa démission le 12 janvier 1922, et, une nouvelle
fois, il allait se trouver à l'écart des gouvernements pendant
trois ans. Au cours de ce dernier Ministère, il avait obtenu le rétablissement
de l'ambassade française auprès du Vatican et, dans cette affaire,
il eut à soutenir une lutte très vive contre ses anciens amis
politiques, mais il triompha. En 1924, le ministère Herriot supprima
de nouveau l'ambassade, mais Aristide Briand, à son retour au pouvoir
dans le cabinet Painlevé (avril 1925), rétablit la représentation
auprès du Saint-Siège qui, par la suite, ne devait plus être
remise en cause.
Après la démission de Painlevé,
le 26 octobre 1925, Aristide Briand conserva le portefeuille des Affaires
étrangères dans le nouveau cabinet où Painlevé
se succédait à lui-même. Il reprenait la Présidence
du Conseil le 28 novembre 1925, se succédait à lui-même
le 9 mars 1926 puis le 23 juin 1926. Il fut absent du cabinet Herriot du
19 juillet 1926, mais retrouva les Affaires étrangères dans
le cabinet Poincaré des 23 juillet 1926 et 11 novembre 1928. Il succéda
à Poincaré le 29 juillet 1929 et ce fut son 11° et dernier
cabinet. Mais les Ministères suivants : Tardieu du 3 novembre 1929,
Chautemps du 21 février 1930, Tardieu du 2 mars 1930, Steeg du 13
décembre 1930, Laval du 27 janvier 1931 et Laval du 13 juin 1931,
la direction des Affaires étrangères lui fut confiée.
Cette longue présence à la tête de la politique extérieure
française lui permit d'orienter celle-ci vers ce qui était
sa préoccupation dominante depuis la fin de la guerre 14-18 : la question
de la sécurité internationale et l'instauration d'une paix
durable avec l'Allemagne. Il crut sincèrement les trouver dans un
rapprochement franco-allemand, dût la France faire certaines concessions,
et il s'y employa de toutes ses forces. Dans ces discours retentissants,
il déclarait vouloir " mettre la guerre hors la loi". Il proposa la
réunion d'une conférence générale des alliés
à Locarno (octobre 1925), où il pensa pouvoir régler
enfin toutes les questions de l'après guerre par des conventions d'arbitrage.
Il provoqua à Thoiry (septembre 1926) une entrevue avec le ministre
allemand Stressemann où tous deux examinèrent les problèmes
qui divisaient les deux pays. Déjà l'Allemagne avait été
admise à la Société des nations avec un siège
dans son Conseil permanent.
Peu après, on décidait la suppression de
la Commission militaire du contrôle interallié (janvier 1927),
contre un engagement pris par l'Allemagne relativement au matériel
de guerre et au régime des fortifications, puis ce fut, en septembre
1928, la renonciation à l'occupation de la Rhénanie cinq années
avant. le terme fixé par le traité de Versailles et un règlement
nouveau des réparations pour lequel la France consentait de nouveaux
et importants abandons. Parallèlement un pacte Briand-Kellog était
signé entre la France et l'Amérique, par lequel celle-ci donnait
sa caution morale pour le maintien de la paix, toutefois,. sans aucune précision
d'ordre militaire. Enfin, un acte général d'arbitrage était
signé et approuvé par l'Assemblée générale
de la Société des Nations et Briand, l'année suivante
(septembre 1929), lançait l'idée des "États-Unis d'Europe"
et de l'organisation d'un régime d' "Union fédérale européenne",
Dans le développement de cette politique,
Briand qui. sans cesser d'être "Français" avait voulu être
aussi un "Européen ", avait mis toute sa foi et tonte sa bonne foi.
Il n'est pas douteux - les événements l'ont montré
- qu'il a échoué complètement et, surtout, qu'il a été
berné. par son partenaire allemand, qui s'en vanta. Briand continua
pourtant sa politique sans se laisser ébranler par aucune critique
ni aucun fait.
Lorsque le 13 mai 1931, l'Assemblée Nationale
eut à donner un successeur à Gaston Doumergue, président
de la République, Briand posa sa candidature, mais, au premier tour
de scrutin, il ne réunit que 401 voix contre 442 à Paul Doumer,
et se retira. Il était d'ailleurs malade et, un jour, il eut une défaillance
au
cours d'une séance de la Chambre. Il alla se reposer dans sa
propriété de Cocherel (Eure). puis fut remplacé
à la Présidence du Conseil par Pierre Laval
et, le 14 janvier 1932, après la mort. de Maginot, il quitta le Quai
d'Orsay où il était resté sept années consécutives.
Il retourna à Cocherel, puis revint à Paris.
Ce fut pour y mourir, le 7 mars 1932. Les Chambres lui votèrent des
funérailles nationales et décidèrent (loi du 30 avril
1932) qu'il avait bien mérité de la Patrie.