Début du texte
IV
Discussion des autres systèmes proposés

    La séparation écartée, la commission a eu à examiner la question de savoir si la législation actuelle est bonne et suffisante ou s'il convient de la modifier.
    Tout d'abord, elle a écarté de ses délibérations, comme entrant plus nettement dans les attributions d'autres commissions parlementaires, la question des congrégations religieuses, celle du service militaire des séminaristes, la réforme de l'organisation des fabriques et des pompes funèbres, les modifications aux décrets sur les honneurs et préséances, la suppression proposée de nos ambassades auprès du saint-siège.
    Mais faut-il toucher soit à la loi de germinal an X, soit aux autres dispositions législatives qui confèrent à l'Église catholique certains avantages non prévus en 1802 ?
    A cette question, quelques membres de la commission ont répondu négativement. Ils ont déclaré que ces avantages, s'ils n'avaient pas été stipulés formellement dans la convention de 1801 et dans les articles organiques, n'étaient cependant qu'une application du principe qui avait, à cette époque, guidé le Gouvernement français.
    "Le concordat, ont-ils dits, est une œuvre de pacification. L'Église rassurait les consciences des détenteurs de biens ecclésiastiques ; elle reconnaissait le gouvernement issu de la Révolution et le plaçait au même rang que ses prédécesseurs. En retour, l'État, sans rien abandonner à l'Église de ses droits, et même en exigeant d'elle certains renoncements, a voulu non seulement la reconnaître et la salarier, mais l'honorer, faciliter sa tâche moralisatrice. Les gouvernements se sont montré fidèles à l'esprit concordataire toutes les fois qu'ils ont pris des mesures propres à aider au recrutement du clergé, à en instruire les membres, à leur assurer une situation honorable, à les mettre à l'abri d'exigences civiles peu convenables pour leur caractère. Ainsi l'exemption du service militaire, les bourses, les logements accordés aux grands séminaires, l'affectation des palais épiscopaux sont des mesures inspirées par l'esprit concordataire.
    "Il est vrai que, pendant certaines périodes d'effervescence religieuse, des abus ont été introduits dans notre législation ; la loi du sacrilège, le monopole des inhumation, la toute-puissance dans le domaine de l'enseignement public ne sont point dans l'esprit concordataire. Mais ces abus ont été corrigés. S'il en reste encore quelques uns, des lois spéciales en feront justice ; mais il serait inutile et peut-être imprudent de les réunir toutes dans une seule loi, qui pourrait avoir l'air d'une déclaration de guerre.
    "Quant aux articles organiques de germinal an X, pourquoi les réviser, amender les uns, supprimer les autres, ajouter des sanctions pénales aux prescriptions conservées ? Ces articles sont ce qu'ils sont : excellents en certains points, déplorables sur d'autres, à un tel degré que leur auteur en a lui-même modifié quelques-uns et est allé jusqu'à s'étonner qu'on ait obéi à d'autres. Il faut laisser dans l'obscurité où elles ont été enfoncées depuis quatre-vingts ans des prescriptions surannées, quelquefois odieuses ou ridicules, que personne n'a appliquées. Et quant aux autres, il faut craindre d'y toucher, dût-on même les modifier utilement dans l'intérêt, soit de l'État, soit de l'Église.
    Une sorte de confusion heureuse s'est établie, qui a donné aux articles organiques une partie de la force de convention qui appartient au Concordat. Des discussions ne pourraient que l'affaiblir. L'État ne pourrait que perdre à attirer l'attention et la critique sur celles mêmes des dispositions qu'il conserverait, et les modifications même d'ordre pénal ne pourraient lui donner une grande autorité. Quant à l'Église, il parait évident qu'on ne peut rien faire en sa faveur en dehors d'elle et, pour ainsi dire, malgré elle."

    Ces réflexions ont eu, comme nous le verrons plus loin, pour partie gain de cause. Mais elles n'ont pu entraîner la majorité de la commission à vous proposer de rester tout à fait dans le statu quo . Nous interprétons autrement que nos honorables collègues les vœux de l'opinion publique. Pour nous, comme nous le disions au commencement de ce rapport, il nous semble qu'il y a accord dans ce pays sur ce point : les choses peuvent rester en l'état.
    La majorité républicaine de la nation déclare que l'autorité de l'Église catholique est devenue trop grande par le fait des mesures législatives consenties par les gouvernements précédents ; ces lois, ces décrets et arrêtés interprétatifs ont donné au clergé une influence à laquelle n'échappe ni l'administration, ni la magistrature ; ils lui assurent en fait et parfois même en droit l'impunité pour les actes d'ordre politique, dont le Concordat avait précisément pour but d'empêcher le retour. Il faut, nous dit-on de toute parts, faire quelque chose ; et les uns nous proposent de proclamer la séparation, d'autres de négocier un nouveau Concordat, d'autres enfin d'exiger strictement l'exécution de celui qu'a signé le premier consul.
    Il est intéressant de faire remarquer que les partisans du statu quo sont précisément ceux qui combattent avec le plus d'énergie - et parfois même pour les motifs que la majorité de votre commission a déclaré plus haut ne pouvoir accepter - la séparation de l'Église et de l'État. Or, nous sommes persuadés que le mouvement d'idées en faveur de cette mesure, né dans les condition du statu quo , ira en grandissant rapidement si ces conditions sont maintenues, tandis qu'un changement heureux peut l'ajourner aux temps où il ne présentera plus les mêmes dangers qu'aujourd'hui.
    Nous avons, en conséquence, repoussé l'espèce de fin de non recevoir qu'on nous proposait de vous soumettre.

    Ce point résolu, nous avons dû, en présence de polémiques soulevées dans la presse et de livres consacrés à ce sujet (Le budget des cultes ; Paris, 1881), nous demander s'il conviendrait d'entamer avec le saint-siège des négociations tendant à obtenir quelques modifications profondes et, dit-on, fort désirables, dans la convention concordataire. La question, ayant été expressément posée par le président de votre commission, dans le but de passer en revue toutes les solutions possibles du problème que vous nous avez chargés d'étudier, fut résolue négativement à l'unanimité. Nous n'avons pas, en conséquence, à y insister d'avantage.
    Mais la décision prise de ne point avoir recours à Rome devait nous conduire à écarter de nos délibérations toutes les propositions qui auraient pour conséquence de modifier en quoi que ce soit la discipline intérieure de l'Église, de changer les relations du clergé intérieur avec l'épiscopat, d'assigner de nouvelle conditions à la nomination des ministres du culte ; en un mot, l'État ne peut rien faire sans le concours et l'assentiment du pape. En vain plusieurs de nos honorables collègues ont-ils énuméré devant nous les griefs que nombre d'ecclésiastiques à esprit libéral soulèvent contre la discipline actuelle ; en vain nous ont-ils montré les prêtres d'un diocèse soumis à l'arbitraire de l'évêque, et contraints, sous des peines parfois terribles, "d'obéir comme un régiment" ; en vain nous ont-ils signalé certaines infractions qui n'ont lieu qu'en France à quelques uns des canons mêmes de l'Église ; en vain ont-ils réclamé pour les prêtres des garanties de justice et de sécurité qui leur semblent aujourd'hui refusées : nous n'avons pas cru devoir obtempérer à leurs désirs.
    Sans nier la valeur de leurs critiques, nous avons dû nous considérer comme incompétents pour leur donner satisfaction. Ce n'est pas au pouvoir civil, c'est à l'Église qu'il appartient de porter remède à un état de choses dont se plaignent tant de prêtres.
    Aussi bien, c'est elle qui court en ceci le principal danger. Si, comme on nous l'a affirmé, l'esprit d'initiative et de sage indépendance s'éteint dans le clergé, si la servilité et le fanatisme y sont des conditions de sécurité et d'avancement, si le niveau des intelligences s'y abaisse, si la science n'y est plus en honneur, c'est l'Église qui doit en souffrir et c'est à elle d'aviser. Sans doute, l'État ne peut pas ne pas en subir quelque contre-coup, et il y aurait intérêt pour la paix publique à ce que l'obéissance du prêtre n'exclût pas quelque indépendance, à ce qu'il ne fût pas enrôlé par son évêque dans les rangs des partis politiques hostiles à la République, à ce que son zèle ne devint pas du fanatisme par ordre de ses supérieurs. Mais l'État ne saurait être autorisé par là à modifier de sa propre autorité la discipline de l'Église.
    Le Concordat ne lui donne qu'une arme, mais une arme puissante s'il veut s'en servir, ce qu'il n'a presque jamais fait jusqu'ici : le choix des évêques et l'agrément des curés. Qu'il use de ce droit que lui a reconnu le pape, rien de mieux ; mais il ne saurait aller au delà.

    Et, après avoir refusé de faire un Concordat nouveau, nous avons dû repousser l'idée de tenter une nouvelle constitution civile.
    Ces considérations nous ont amené à écarter une partie des propositions que vous avaient présentées MM. Corentin-Guyho et Bernard Lavergne. En nous reportant au texte de ces propositions, ou même à l'analyse succincte que nous en avons donnés au commencement ce rapport, vous verrez que nos honorables collègues s'étaient surtout préoccupés d'instruire et de libérer le clergé inférieur.
    C'est ainsi qu'aux candidats aux cures ils imposent tous deux l'épreuve d'un concours que M. Bernard Lavergne fait même subir aux futurs desservants. C'est ainsi que M. Bernard Lavergne limite le pouvoir disciplinaire de l'évêque, en exigeant l'intervention des officialités métropolitaines et enfin, en cas de vice de forme, au conseil d'État ; et même, après un certain temps de séjour dans une paroisse, le vicaire ou le desservant ne peut plus être déplacé sans l'autorisation du Gouvernement.
    Tout cela peut être désirable, nous ne l'avons pas nié ; mais il nous a semblé que la loi civile n'avait rien à y voir. Ce sont là de bonnes indications, que l'Église ferait peut-être bien de suivre, dans son propre intérêt : mais l'État n'a aucun moyen de l'y contraindre, et il y aurait danger à l'essayer.
    M. Corentin-Guyho ne va pas jusqu'à supprimer les droits de l'évêque ; mais il leur refuse toute conséquence d'ordre pécuniaire, lorsque leur usage n'a pas été approuvé par le conseil supérieur des cultes, qu'il institue.
    L'idée peut être bonne, et le ministre fera bien dans quelques cas de continuer à payer un desservant injustement révoqué, et même de se refuser à payer celui que l'évêque aurait nommé à sa place ; mais il peut faire tout cela en vertu de la législation existante, et il n'y a nul besoin de créer un conseil des cultes.
    D'ailleurs, ce conseil, tel que le compose M. Corentin-Guyho, ne pourrait certainement pas se constituer et fonctionner. Comment penser que l'Église catholique accepterait accepterait la juridiction d'un corps où pourraient se trouver en majorité des hérétiques ou des incrédules ? Il faut avouer qu'essayer de la lui imposer serait la pire des tyrannies. D'ailleurs, ces ministres refuseraient assurément d'y siéger.
    Les jury de concours et les officialités de l'honorable M. Bernard Lavergne ne pourraient pas d'avantage être organisés. Les évêques seraient parfaitement en droit de s'opposer à ce que leurs prêtres se réunissent et votassent en vertu d'une loi civile, pour constituer un tribunal ecclésiastique dont les décisions seraient soumises au conseil d'État ; et aucune action ne pourrait être intentée contre ceux qui refuseraient de désigner des membres du jury.
    Toutes ces mesures dépassent non plus seulement la compétence, mais les droits de l'État. Elles nous ont paru sortir du système concordataire et former comme des lambeaux d'une constitution civile. Il est même telle prescription, comme l'agrément du préfet, exigé par M. Bernard Lavergne pour la nomination d'un desservant, qui est une violation formelle du Concordat lui-même.

    Votre commission a pris le parti de se refuser à inscrire dans la loi toutes ces dispositions, qui lui paraissent aller au delà des droits de l'État. Il lui a semblé qu'elle n'avait pas charge de rétablir la paix au sein de l'Église, si tant est qu'elle y soit troublée. D'ailleurs, les mesures qui lui ont été proposées constitueraient un nouveau Concordat si l'État les promulguait d'accord avec l'Église ; elles seraient une constitution civile s'il les imposait de sa propre autorité. Les deux systèmes nous ont par devoir être également repoussés.

    Nous nous sommes donc retrouvés en présence de la proposition de M. Paul Bert et des parties qui lui correspondent dans les propositions de MM. Bernard Lavergne et Corentin-Guyho. Les unes et les autres poursuivent ce double but : diminuer l'étendue des avantages concédés à l'Église postérieurement à la loi de germinal an X ; faire en sorte que les dispositions impératives de cette loi soient obéies et instituer des pénalités sérieuses à côté de l'inoffensive déclaration d'abus.
    Mais ici se pose une nouvelle question générale.
    MM. Bernard Lavergne et Corentin-Guyho ont pensé qu'il est nécessaire de remanier de fond en comble les articles organiques ; ils en abrogent les dispositions surannées, inutiles, inapplicables parfois. Ils en modifient d'autre, et les mettent plus en rapport avec les nécessités  des temps actuels. M. Bernard Lavergne va même jusqu'à intercaler au milieu des anciens articles organiques les dispositions  nouvelles qu'il a proposé de prendre, si bien que, dans son système, la loi de germinal an X disparaît complètement.
    La majorité de la commission n'a pas admis cette manière de procéder. Elle a été touchée, sur ce point, par l'argumentation des partisans du statu quo, que nous résumions tout à l'heure. Sans doute, personne ne pense à exécuter aujourd'hui les dispositions qui ne l'ont jamais été sérieusement, à faire examiner le futur évêque sur sa doctrine par un jury d'État (art. 17 des Organiques), à imposer à toutes les Églises de France un catéchisme et une liturgie unique (art. 39), à régler le costume des ecclésiastiques (art. 42 et 43) ; personne ne saurait avoir l'idée d'imposer à l'Église des doctrines religieuses et de faire revivre pour l'enseignement des séminaires la déclaration de 1682 ; et, d'autre part, les articles organiques comprennent un certain nombre de dispositions transitoires qui sont aujourd'hui absolument inutiles.
    Mais, si l'on entre dans cette voie, où s'arrêteront les critiques, les discussions, les modifications législatives ? Y a-t-il un intérêt sérieux à proclamer la déchéance de dispositions inapplicables ou abandonnées, et ne risque-t-on pas de diminuer l'autorité de celles qui sont utiles en les soumettant à un vote nouveau, en leur donnant une date récente, au lieu de les laisser englobées dans cette loi d'ensemble de germinal an X, que la Restauration elle-même n'a pas osé abroger ?
    La majorité de votre commission a décidé qu'il ne serait pas touché au dispositif des articles organiques, s'en rapportant à la sagesse du Gouvernement pour les modifications de fait qu'elle n'a pas cru devoir transformer en modification de texte. C'est donc dans une loi bien distincte de la loi de germinal que nous vous proposons d'édicter  les sanctions aux prescriptions concordataires et de diminuer certains des privilèges concédés à l'Église catholique.

    Comparons à ces deux points de vue les trois propositions qui nous ont été soumises.
    Les sanctions et pénalité tout d'abord.

PROPOSITION PAUL BERT



Article 1er : Le recours pour abus, institué par l'article 6 de la loi organique du Concordat, ne s'applique qu'aux ecclésiastique nommés ou agréés par le Gouvernement. Il est restreint aux cas qui, n'étant ni  contraventions, ni délits, ni crimes, échappent à l'appréciation des tribunaux ordinaires.
  Il est porté par la partie intéressée devant le conseil d'État qui statue, après instruction du ministre des cultes. A défaut de plainte particulière, il pourra être exercé d'office par les préfets. Le recours en conseil d'État ne fait pas obstacle à ce que les parties poursuivent, devant les tribunaux ordinaires, les réparations civiles auxquelles elles prétendraient avoir droit.
  Le recours institué par l'article 7  de la même loi, en cas d'atteinte portée à la liberté garantie aux ministres du culte, est personnel à l'ecclésiastique qui se prétend atteint dans sa liberté ; nul n'est admis à l'invoquer ni l'exercer à sa place.
A rt. 6 :"Il y aura recours au conseil d'État dans  tous les cas d'abus de la part des supérieurs et autres personnes ecclésiastiques.
Les cas d'abus sont, l'usurpation ou l'excès de pouvoir, la contravention aux lois et règlements de la République, l'infraction des règles consacrées par les canons reçus en France, l'attentat aux libertés, franchises et coutumes de l'église gallicane, et toute entreprise ou tout procédé qui, dans l'exercice du culte, peut compromettre l'honneur des citoyens, troubler arbitrairement leur conscience, dégénérer contre eux en oppression, ou en injure, ou en scandale public."

Art. 7 : " Il y aura pareillement recours au conseil d'état, s'il est porté atteinte à l'exercice du culte et à la liberté que les lois et les règlements garantissent à ses ministres."

Art. 2 : Tout ecclésiastique qui aura encouru une déclaration d'abus pourra, par mesure disciplinaire, être privé, par arrêté du ministre des cultes, de tout ou partie de son traitement pendant une durée qui ne dépassera pas un an.
  En ce qui concerne les desservants et vicaires, contre lesquels le recours pour abus ne peut être exercé, leur déplacement devra être demandé à l'évêque. Après deux demandes restées infructueuses, l'indemnité qui leur est allouée sur les fonds de l'État sera suspendue, sur l'avis du préfet, par décision du ministre des cultes.
Art. 3 : L'ecclésiastique condamné à des peines de droit commun pour faits commis dans l'exercice de ses fonctions ecclésiastiques, pourra être privé de traitement par arrêté ministériel pendant une durée qui ne dépassera pas une année. 
  En cas de récidive, les avantages concédés par l'article 72 de la loi organique du Concordat, pourront lui être retirés.
Art. 72 : Les presbytères et les jardins attenants, non aliénés, seront rendus aux curés et aux desservants des succursales. A défaut de ces presbytères, les conseils généraux des communes sont autorisés à leur procurer un logement et un jardin.
Art. 4 : Toute infraction aux article 1er modifié par le décret* du 28 février 1810, 3, 20 de la loi organique du Concordat sera punie d'une amande de 500 à 1 000 francs 
  Celle à l'article 29, d'une amande de 100 à 300 francs
Art. 1er Aucune bulle, bref, rescrit, décret, mandat, provision, signature servant de provision, ni autres expéditions de la cour de Rome, même ne concernant que les particuliers, ne pourront être reçues, publiées, imprimées, ni autrement mises à exécution, sans l'autorisation du Gouvernement.
  * Ce décret excepte les brefs de la pénitencerie qui n'ont pas besoin d'autorisation.
Art. 3 : . Les décrets des Arts étrangers, même ceux des conciles généraux, ne pourront être publiés en France, avant que le Gouvernement en ait examiné la forme, leur conformité avec les lois, droits et franchises de la République française, et tout ce qui, dans leur publication, pourrait altérer ou intéresser la tranquillité publique.
Art. 20 : Les évêques seront tenus de résider dans leurs diocèses ; ils ne pourront en sortir qu'avec la permission du premier Consul.
Art. 29 : Les curés sont tenus de résider dans leur paroisse.
Art. 5 : En cas de contravention aux articles 52 et 53 de la loi organique du Concordat, le contrevenant sera passible d'une amende de 100 à 500 francs, sans préjudice des autres peines qui pourraient être prononcées en conformité des articles 201 et suivant du code pénal. 
  Le prédicateur, autorisé par l'évêque, suivant les prescriptions de l'article 50 de la loi susdite, sera tenu des mêmes obligations, et soumis, en cas d'infractions, aux mêmes pénalités que les curés et desservants.
Art. 52 : Ils ne se permettront dans leurs instructions, aucune inculpation directe ou indirecte, soit contre les personnes, soit contre les autres cultes autorisés dans l'État.
Art. 53 : Ils ne feront au prône aucune publication étrangère à l'exercice du culte, si ce n'est celles qui seront ordonnées par le Gouvernement.
Art. 50 :  Les prédications solennelles appelées sermons , et celles connues sous le nom de stations de l'avent et du carême, ne seront faites que par des prêtres qui en auront obtenu une autorisation spéciale de l'évêque.
Art. 6 : Tout ecclésiastique qui, par des prédications dans son église ou par tout autre moyen tiré de ses fonctions, aura cherché à influencer le vote des électeurs ou à les déterminer à s'abstenir de voter, sera passible des peines portées aux articles 39 et 40 du décret du 2 février 1852.

PROPOSITION BERNARD LAVERGNE
Les dispositions répressives y sont ajoutées aux articles organiques correspondants


Art. 2 : Tout individu qui contreviendrait aux dispositions du précédent article pourrait être expulsé du territoire de la République Art. 2 : Aucun individu se disant nonce, légat, vicaire ou commissaire apostolique, ou se prévalant de toute autre dénomination, ne pourra, sans la même autorisation, exercer sur le sol français ni ailleurs, aucune fonction relative aux affaires de l'église gallicane.
Art. 3 : Toute contravention aux dispositions du présent article sera punie d'une amende de 100 à 300 francs
Art. 6 : Tout ecclésiastique qui aura encouru une déclaration d'abus pourra, par mesure disciplinaire, être privé, par arrêté du ministre des cultes, de tout ou partie de son traitement, pendant une durée qui ne pourra excéder un an. 
  En cas de récidive, la privation du traitement sera de droit.
Art. 8 :  Dans aucun cas, le recours pour abus ne pourra suspendre soit l'exercice de l'action publique, soit l'exercice de l'action des particuliers, tant devant les tribunaux civils que devant les tribunaux répressifs.
Art. 20 : Si l'absence de l'évêque se prolonge pendant un mois sans autorisation, il sera opéré une retenue proportionnelle sur le traitement.
Art. 29 : Nul ecclésiastique salarié par l'État, lorsqu'il n'exercera pas de fait dans la commune qui lui aura été désignée, ne pourra toucher son traitement (loi de finance du 23 avril 1873 - art. 8), à moins d'un congé régulier.
Art. 21 bis (nouveau) : Tout prêtre qui quittera la France pour aller desservir dans un pays étranger, perdra tout droit à l'exemption du service militaire. 
  Tout prêtre affilié à une congrégation étrangère, ou dont le siège sera à l'étranger, perdra la qualité de Français.
Art. 44 : Toute contravention aux dispositions qui précèdent sera punie d'une amende de 500 à 2 000 francs, et en cas de récidive, de cinq à vingt jours de prison. Art. 44 : Les chapelles domestiques, les oratoires particuliers, ne pourront être établis sans une permission expresse du Gouvernement, accordée sur la demande de l'évêque.
Art. 50 : Les prédicateurs devront être choisis exclusivement parmi les prêtres rétribués par l'État, le département ou les communes. 
  Le conseil de fabrique qui confierai ces prédications à un prêtre pris en dehors des catégories ci-dessus spécifiées tombe sous l'application des dispositions de l'article 5 de l'ordonnance du 12 janvier 1825.
Art. 52 : Le contrevenant sera puni d'une amende de 100 à 1 000 fr. ; en cas de récidive, il pourra en outre être condamné à un emprisonnement de cinq jours à un mois.
Art. 52 : Il est spécialement interdit de traiter directement ou indirectement des élections législatives, départementales ou municipales 
  Même sanction que pour l'article 52

PROPOSITION CORENTIN-GUYHO

"Art. 10 : Le fait par un prêtre quelconque, habitué ou non, d'avoir prêché en chaire, pendant la période électorale, en recourant à des menaces et en excitant dans l'âme des fidèles des craintes d'ordre religieux ou moral, et d'avoir ainsi surpris ou des suffrages, déterminé un ou plusieurs électeurs à s'abstenir de voter, sera passible des peines portées aux articles 39 et 40 du décret organique des 2-21 février 1852
"Art. 11 : Pourra être puni des peines portées aux articles 479 et 480 du code pénal, tout prêtre non incorporé à un diocèse français  qui, sans permission spéciale et écrite du ministre des cultes, aura usé des édifices paroissiaux ou diocésains pour y exercer un des actes du ministère paroissial (Enseignement du catéchisme, confession, prédication, etc.). (Articles organiques 32 et 33.)
"Art. 12 : Est puni des mêmes peines, tout ministre d'un culte reconnu qui aura fait une publication étrangère à l'exercice du culte. (Article organique 53)
"Art. 13 : L'autorisation donnée, conformément au décret du 22 décembre 1812, de posséder des chapelles domestiques et des oratoires particuliers pour l'usage exclusif des personnes de la maison ou de l'établissement, ne comprend pas le droit d'ouvrir ces chapelles et ces oratoires au public.
    Lorsque, sans autorisation spéciale et expresse, le culte public ou un acte du culte public aura été célébré dans ces lieux destinés au culte privé, le propriétaire, le locataire ou la personne ayant la disposition de ces chapelles et oratoires sera, conformément à l'article 294 du code pénal, puni d'une amende de 16 à 200 francs par chaque contravention.
"Art. 14: Il ne peut être fait, à domicile ou sur la voie publique, aucune quête sans l'autorisation préalable du préfet du département ou le sous-préfet de l'arrondissement.
    Toute infraction au présent article sera punie d'une amende équivalente au double des sommes ou de la valeur des denrées ainsi recueillies.
    Cette contravention est, en tous cas, de la compétence du juge de paix.
"Art. 15 : L'appel comme d'abus ne peut être exercé que contre les évêques, les curés et les vicaires généraux.
    Il peut être porté directement devant le conseil d'État par toute partie privée, en vertu du droit de citation directe. (Article organique 52.)
"Art. 16 : L'appel comme d'abus est limité aux cas suivants : 1° toute entreprise ou tout procédé qui, dans l'exercice du culte, peut compromettre l'honneur des citoyens, troubler arbitrairement leur conscience, dégénérer contre eux en oppression ou en injure, ou en scandale public ; 2° toute infraction aux lois et règlements de la République, qui ne constituera pas un délit caractérisé.
"Art. 17 : Pourra être poursuivi dans la même juridiction disciplinaire :
    1° L'évêque ou le curé qui, après avertissement préalable et malgré l'injonction formelle du Gouvernement, se sera absenté de son diocèse ou de sa paroisse au point de manquer au devoir de la résidence ( articles organiques 20 et 29).
    Tout évêque, curé ou vicaire général qui aura usé de son influence de ministre du culte, pour entraver l'effet d'une loi civile, ou l'exécution d'une décision judiciaire.
"Art. 18 : Le conseil d'État, statuant comme juridiction disciplinaire, peut prononcer, en même temps que la déclaration d'abus, une amende allant de 100 à 5 000 fr. (articles organiques 6, 7 et 8)
    Si l'amende encourue n'est pas acquittée dans un délai de trois mois, le traitement du prêtre frappé d'abus est saisi jusqu'à concurrence des trois cinquièmes.
"Art. 19 : Le conseil supérieur des cultes peut être saisi, au point de vue disciplinaire, soit sur plante du Gouvernement soit sur la citation directe d'un particulier, de la conduite des desservants et des vicaires qui, dans leur ministères, auront abusé de leurs fonctions pour jouer un rôle contraire et pour exercer une influence étrangère à la nature spéciale de leurs missions.
"Art. 20 :  le conseil supérieur des cultes après avoir entendu dans sa défense orale ou écrite le desservant, lui prononce, s'il y a lieu, la suspension du traitement  à titre de peine disciplinaire. Cette décision est motivée dans la forme usitée pour les jugements criminels, notifiée à l'ecclésiastique intéressé par les soins de son autorité administrative et affichée, dans sa teneur intégrale, à la porte principale de l'église où la prêtre condamné exerce son ministère.
"Art. 21 : En cas de récidive, le conseil supérieur peut décider la suppression totale du traitement jusqu'à ce que l'évêque ait pourvu au remplacement du titulaire deux fois condamné.
"Art. 22 :  Le ministre du culte des cultes pourra, sur l'avis de conseil supérieur, faire opposition à la nomination d'un desservant et d'un vicaire, si, d'après le passé, il y a lieu de présumer que ce prêtre pourra agir, dans son nouveau ministère, contre la loi de l'État et les prescriptions de l'autorité.
    Cette opposition, si elle n'aboutit pas dans le délai d'un mois au changement du prêtre ainsi signalé à l'attention de l'autorité  diocésaine, entraînera la suppression de tout traitement et de l'usage du presbytère".

    Nous verrons, dans le chapitre suivant, pour quelles raisons nous avons adopté une partie des dispositions présentées par nos très honorables collègues, modifié ou repoussé les autres.
    Voyons maintenant les dispositions restrictives des privilèges actuels.

PROPOSITION PAUL BERT
Des établissements ecclésiastiques.

"Art. 7 : Les établissements ecclésiastiques actuellement existants sont maintenus, sauf les restrictions ci-après, et avec la réserve que la capacité civile dont ils jouissent sera strictement limitée à leurs attributions spéciales, et qu'ils seront astreints aux règles générales de la comptabilité publique.
    "Un règlement d'administration publique rendu en conseil d'État, les autorités diocésaines entendues, déterminera l'application de ces règles à chaque établissements ecclésiastique.
"Art. 8 : Les bourses actuellement accordées par l'État, dans les grands séminaires, seront supprimées par voie d'extinction dans un délai de trois ans.
"Art. 9 : Les écoles secondaires ecclésiastiques seront réduites conformément à l'ordonnance du 5 octobre 1814, à un établissement par département.
    "L'évêque choisira l'école qu'il voudra conserver.
    "La fermeture des autres devra avoir lieu dans le laps d'un an, à partir de la promulgation de la présente loi.
"Art. 10 : Le traitement volontairement concédé aux chanoines par l'État, en vertu des lois de finances, sera supprimé par voie d'extinction.
"Art. 11 : Les cures et succursales, ainsi que les vicariats rétribués par l'État, actuellement vacants depuis deux années consécutives, ou qui le deviendront, seront supprimés par décret rendu en conseil d'État, après constatation de cette vacance.
    "Les modifications à apporter aux circonscriptions paroissiales, par la suite de ces suppressions, auront lieu sur des plans arrêtés de concert entre l'évêque et le préfet et soumis au gouvernement, conformément à l'article 71 de la loi organique du concordat."
 
 

Immeubles affectés au culte

"Art. 12 : Tout lieu de culte dont les propriétaires ne pourront justifier d'un titre légal ou de l'autorisation prévue par l'article 44 de la loi organique du Concordat et de l'article 8 du décret du 22 septembre 1812, sera fermé à la diligence des procureurs près les cours et tribunaux et des autres officiers de police.
    "Les contrevenants, en cas d'ouverture ou de réouverture, tomberont sous le coup de l'article 294 du code pénal
"Art. 13 : Est abrogé toute disposition législative ou autre, affectant ou obligeant d'affecter, en dehors des prescriptions de la loi organique du Concordat, soit à des services du culte, soit à des établissements ecclésiastiques et religieux, des immeubles appartenant à l'État, aux départements ou aux communes.
  "Des décrets rendus en conseil d'État prononceront par espèce les désaffectations totales ou partielles.
  "Les départements et les communes rentreront immédiatement en possession des immeubles qui leur appartiennent.
  "Quant aux immeubles domaniaux, ils seront mis à la disposition du ministre de l'instruction publique pour être convertis en établissements d'enseignement, ou aliénés, et, dans ce cas, le produit sera versé dans les caisses des écoles, collèges et lycées.
"Art. 14 : L'ordonnance du 3 mars 1825 est rapportée dans toutes ses dispositions.
  "Toute partie superflue d'un presbytère pourra être distraite par décret rendu en conseil d'État, sous la seule condition que les bâtiments resteront convenables. Les jardins existants ne pourront être réduits à une étendue inférieure à 6 ares.
"Art. 15 : Toutes les difficultés relatives à l'affectation des propriétés communales consacrées au culte, églises et presbytères, sont du ressort de l'administration. Les questions de propriété seules sont de la compétence de la juridiction ordinaire.
  "Les cloches ont un caractère d'immeubles par destination et subissent la même règle.
  "Les clefs de l'église restent entre les mains du desservant tant que la cure ou succursale est occupée. Elles peuvent toujours être requises par la municipalité pour tous les services civils consacrés par l'usage.
  "En cas de vacances, les clefs sont déposées chez le maire.

Dons et legs

"Art. 20 : La loi du 10 janvier 1817 est abrogée. En conséquence, les fondations ayant pour objet l'entretien des ministres et l'exercice du culte ne pourront plus consister qu'en rentes sur l'État français, conformément aux prescriptions des articles 73 et 74 de la loi organique du Concordat.
"Art. 21 : Les dons et legs faits au profit des établissements ecclésiastiques seront acceptés par le trésorier de ces établissements.
  "L'article 3 de l'ordonnance du du 2 avril 1817 est rapporté en ce qu'il a de contraire à la précédente disposition.
  "Tout notaire qui aura passé un acte en infraction aux prescriptions de l'article 2 de l'ordonnance du du 14 janvier 1831, sera passible d'une amende de 1 000 à 10 000 fr. et, en cas de récidive, de la révocation."

     La proposition de M. Bernard Lavergne
ne contient qu'une seule disposition de cet ordre. 
Elle a trait à l'abrogation de la loi plus haut citée de 1817.

  "Les articles 73 et 74 sont remplacés par le suivant :
"Art. 73 : Les dons et legs ou fondations ayant pour objet l'entretien des ministres ou l'exercice du culte que les établissements ecclésiastiques ou religieux seraient autorisés à recevoir ne pourront consister qu'en rente de l'État.
  "Il est interdit à ces établissements de posséder tout autre nature de biens.
  "Néanmoins les immeubles destinés aux logements des titulaires ecclésiastiques et les jardins attenants ne tombent pas sous la prohibition ci-dessus."

  M. Corentin-Guyho ne s'est occupé, dans cet ordre 
de considération qu'à des conditions à imposer
pour l'obtention des bourses dans les grands séminaires

  "Art. 21 : Les bourses de l'État ne sont accordées aux élèves des séminaires qu'autant que tous les professeurs de ces établissements auront souscrit la déclaration de n'appartenir à aucune congrégation non autorisée, qu'on y enseignera effectivement le texte de la Constitution et le respect dû aux lois du pays, et que les séminaires eux-mêmes seront administrés selon les règles canoniques.
  "Art. 25 : Les bourses des séminaires sont accordées par le Gouvernement à chaque élève individuellement dans les formes usités par les bureaux des écoles de l'État.
  "A la fin de chaque année scolaire, le boursier devra signer à la préfecture une déclaration certifiant qu'il a effectivement joui de la bourse qui lui a été accordée.
  "Art. 27 : Tous ceux qui entrent dans les ordres majeurs, après avoir bénéficié au séminaire d'une bourse de l'État, sont tenu de souscrire en engagement décennal, à la fois entre les mains de l'évêque et celle du préfet du département. dans cet acte, ils s'engageront à rester pendant dix ans, à partir du jour de leur ordination, à la disposition des autorités diocésaines, pour remplir les charges du ministère paroissial proprement dit qui pourront lui être confiées, ou pour occuper les aumôneries et les situations ecclésiastiques dépendant du Gouvernement.
  "A défaut d'exécution intégrale de cet engagement, le bénéfice de la bourse de l'État sera perdu et les sommes avancées par le Gouvernement, pour le prix de pension au séminaire, seront recouvrées à la diligence du préfet du département."

"Ordonnance du 3 mars 1875 :
Art. 1er : A l'avenir, aucune distraction de parties superflues d'un presbytère pour un autre service ne pourra avoir lieu sans notre autorisation spéciale, notre conseil d'État entendu. Toute demande à cet effet sera revêtue de l'avis de l'évêque et du préfet, et accompagnée d'un plan qui figurera le logement à laisser au curé ou desservant, et la distribution à faire pour isoler ce logement. Toutefois, il n'est point dérogé aux emplois et dispositions régulièrement faits à ce jour.
Art. 2 : Les curés ou leurs vicaires, ainsi que les desservants autorisé par leurs évêque à biner dans les succursales vacantes, ont droit à la jouissance des presbytères et dépendances de ces succursales, tant qu'ils exercent régulièrement ce double service ; ils ne peuvent en louer tout ou partie qu'avec l'autorisation de l'évêque.
Art. 3 : Dans les communes qui ne sont ni paroisses, ni succursales et dans le les succursales où le binage n'a pas lieu, les presbytères et dépendances peuvent être amodiés, mais sous la condition expresse de rendre immédiatement les presbytères des succursales, s'il est nommé un desservant ou si l'évêque autorise un curé, vicaire ou desservant voisin à y exercer le binage.
Art. 4 : Le produit de cette location appartient à la fabrique si le presbytère et ses dépendances lui ont été remis en exécution de la loi du 8 avril 1802, de l'arrêté du Gouvernement du 26 juillet 1803, des décrets des 30 mai et 31 juillet 1806 ; si elle en a fait l'acquisition sur ses propres ressources ou s'ils lui ont été échus par legs ou donation. Le produit appartient à la commune quand le presbytère et ses dépendances ont été acquis ou construits de ses deniers ou quand il lui en a été fait legs ou donation.
  "Dans les communes où le presbytère aura été légué, acheté ou construit postérieurement à la loi du 18 germinal an X, la municipalité, mise en demeure de suppléer à l'insuffisance des ressources de la fabrique, aura toujours le choix ou de fournir son presbytère ou de payer une indemnité de logement."
 
 

"Loi du 10 janvier 1817 : 
Art. 1er : Tout établissement ecclésiastique reconnu par la loi pourra accepter accepter avec l'autorisation du roi, tous les biens, meubles, immeubles ou rentes qui lui seront données  par acte de dernière volonté.
Art. 2 : Tout établissement ecclésiastique reconnu par la loi pourra également, avec l'autorisation du roi, acquérir des biens immeubles ou des rentes.
Art. 3 : Les immeubles ou rentes appartenant à un établissement ecclésiastique seront possédés à perpétuité par ledit établissement et seront inaliénables, à moins que l'aliénation n'en soit autorisée par le roi."

"Art. 73 : Les fondations qui ont pour objet l'entretien des ministres et l'exercice du culte, ne pourront consister qu'en rentes constituées sur l'État : elles seront acceptées par l'évêque diocésain, et ne pourront être exécutées qu'avec l'autorisation du Gouvernement.
Art. 74 :  Les immeubles, autres que les édifices destinés au logement et les jardins attenants, ne pourront être affectés à des titres ecclésiastiques, ni possédés par les ministres du culte, à raison de leurs fonctions."

Ordonnance du 14 janvier 1831, art. 2 :
  "Aucun notaire ne pourra passer acte de vente, d'acquisition, d'échange, de cession ou transport, de constitution de rente de transaction, au nom desdits établissements, s'il n'est justifié de l'ordonnance royale portant autorisation de l'acte et qui devra y être entièrement inséré"

Ordonnance du 2 avril 1817, art. 3 :
  "L'acceptation desdits legs ou dons, ainsi autorisés, sera faite : par les évêques, lorsque les dons ou legs auront pour objet leur évêché, leur cathédrale ou leur séminaire ; par les doyens des chapitres si les dispositions sont faites au profit des chapitres ; par le curé ou desservant, lorsqu'il s'agit de legs ou dons faits à la cure ou succursale, ou pour la subsistance des ecclésiastiques employés à la desservir ; par les trésoriers des fabriques, lorsque les donateurs ou testateurs auront disposé en faveur des fabriques ou pour l'entretien des églises et le service divin ..."

PROPOSITION DE LOI

    Il nous suffira maintenant de peu de mots pour expliquer les dispositions que nous soumettons au vote de la Chambre. Elles se divisent, comme nous l'avons déjà indiqué à plusieurs reprises, en deux catégories distinctes : les unes suppriment un certain nombre d'avantages non concordataires concédés à l'Église ; les autres ajoutent des sanctions pénales à diverses prescriptions du Concordat et des articles organiques.

CHAPITRE Ier

"Art. 1er : Les bourses actuellement accordées par l'État, dans les grands séminaires, seront supprimées par voie d'extinction dans un délai de trois ans.
Art.  2 :  Le traitement volontaire concédé aux chanoines par l'État en vertu des lois de finances sera supprimé par voie d'extinction."
    L'article 11 du Concordat dit, "Les évêque pourront avoir un chapitre dans leur cathédrale, et un séminaire pour leur diocèse, sans que le Gouvernement s'oblige à les doter." Les articles organiques règlent les conditions que devront remplir les évêques qui désirent établir un séminaire ou un chapitre, mais ils n'indiquent nulle part une subvention ou allocation quelconque.
    Or, actuellement, tous les chanoines sont payés par l'État, et une somme considérable est consacrée par le budget à l'établissement de bourses dans les grands séminaires. Quelques-uns de ces derniers, dont les ressources pécuniaires sont considérables, se sont cependant vu enlever ce privilège dans les dernières années. Mais les bourses figurent encore pour une somme de 816 000 fr. au budget de 1884.
    Nous vous proposons de revenir sur ce point aux conditions primitives de 1802. On vous dira que le Gouvernement, en signant le Concordat, en déclarant que " la religion catholique serait librement exercée en France", a pris l'engagement de faciliter le recrutement de ses membres et que la suppression des bourses aura pour conséquence, en dépeuplant les grands séminaires, de supprimer par une voie détournée la liberté de religion. Mais cet argumentation, qui s'est reproduite avec bien plus d'énergie sinon avec plus de justesse quand il s'agit du service militaire, ne saurait vous toucher.
    Les conditions d'exercice de la liberté de la religion ont été déterminées par le pape lui-même. Il n'a exigé ni l'exemption du service militaire, ni l'entretien gratuit des séminaristes. Le contraire, au moins sur ce point, a même été formellement stipulé. Donc ces conditions ne sont pas indispensables au libre exercice de la religion. La concession de bourse a été une mesure gracieuse, un don annuel fait par l'État à l'Église. Celle-ci a-t-elle répondu, répond-elle aujourd'hui à cette bienveillance par une attitude générale qui en justifie la continuation ? La majorité de votre commission a pensé que non, et nous espérons que vous le penserez avec elle.
    Ajoutons que les Organiques enjoignent aux professeurs des grands séminaires de prendre pour base de leur enseignement la fameuse déclaration gallicane. Il y avait là quelque garantie pour l'État et ses droits. L'Église a refusé d'obéir à cette prescription, et nous pensons qu'on ne peut l'y contraindre. Mais alors qu'elle accepte sans murmurer la suppression de subsides non obligatoires, qui ne pourraient se justifier que par la soumission à la loi de germinal.

    "Art. 3 :   Est abrogé toute disposition législative ou autre, affectant ou obligeant d'affecter, en dehors des prescriptions de la loi organique du Concordat, soit à des services du culte, soit à des établissements ecclésiastiques et religieux, des immeubles appartenant à l'État, aux départements ou aux communes.
  "Des décrets rendus en conseil d'État prononceront par espèce les désaffectations totales ou partielles.
  "Les départements et les communes rentreront immédiatement en possession des immeubles qui leur appartiennent.
  "Quant aux immeubles domaniaux, ils seront mis à la disposition du ministre de l'instruction publique pour être convertis en établissements d'enseignement, ou aliénés, et, dans ce cas, le produit sera versé dans les caisses des écoles, collèges et lycées."
    Le Concordat remet à la disposition des évêques, "toutes les églises métropolitaines, cathédrales, paroissiales et autres non aliénées, nécessaire au culte." (Art. 12)
    Les articles organiques disent en outre :
"Art. 71 : Les conseils généraux de département sont autorisés à procurer aux archevêques et évêques un logement convenable.
Art. 72 :  Les presbytères et les jardins attenants, non aliénés, seront rendus aux curés et aux desservants des succursales. A défaut de ces presbytères, les conseils généraux des communes sont autorisés à leur procurer un logement et un jardin.
Art. 74  : Les immeubles, autres que les édifices destinés au logement et les jardins attenants, ne pourront être affectés à des titres ecclésiastiques, ni possédés par les ministres du culte, à raison de leurs fonctions.
Art. 75 : Les édifices anciennement destinés au culte catholique, actuellement entre les mains de la nation, à raison d'un édifice par cure et par succursale seront remis à la disposition des évêques.
Art. 77 : dans les paroisses où il n'y aura pas d'édifice disponible pour le culte, l'évêque se concertera avec le préfet pour la désignation d'un édifice convenable."
    Ainsi les obligations de l'État se réduisent à la remise à la disposition des évêques, dans des conditions déterminées, des églises, cathédrales ou autres, et à l'affectation spéciale des presbytères non aliénés. Pour le reste, il s'en rapporte à la générosité des conseils généraux des départements ou des communes ; il semble donc qu'il déclare ne devoir se charger jamais, ni du logement des évêques, ni de celui des desservants. Quant aux grands séminaires, il n'en est pas dit autre chose que ce que nous avons rapporté plus haut.
    Or, aujourd'hui, presque tous les évêques et archevêques et la grande majorité des grands séminaires sont logés aux frais non des départements, mais de l'État, et la générosité de celui-ci est allé jusqu'à fournir des édifices à des congrégations religieuses.
    Un rapport déposé par M. Paul Bert sur le bureau de la Chambre le 20 juin 1881 donne l'énumération et l'évaluation des biens de l'État ainsi concédés bénévolement à l'Église catholique. La proposition de loi qui en est la conséquence demande comme notre article 3 la désaffectation.
    Il est bon de savoir qu'un très petit nombre de ces affectations ont été consacrées par des lois ; la plupart l'ont été par décrets ou des ordonnances.
    Les départements ont également été entraînés, surtout pendant la Restauration, à accorder aux évêques la jouissance de bâtiments destinés non à les loger, comme le permet l'article 71 des Organiques, mais à recevoir des grands ou petits séminaires et d'autres établissements ecclésiastiques. Semblables concessions ont été obtenues des communes.
    Nous vous proposons d'annuler en principe toutes ces affectations anticoncordataires, et de remettre les communes, les départements et l'État en possession des biens dont ils s'étaient dépouillés. Mais pour les biens de l'État nous avons cru bon de les faire passer au service de l'instruction publique.
    Les articles 73 et 74 des Organiques avaient déclaré  1° les fondations "ayant pour objet l'entretien des ministres et l'exercice du culte, ne pourraient consister qu'en rentes constituées sur l'État " 2° que " les immeubles, autres que les édifices destinés au logement et les jardins attenants, ne pourront être affectés à des titres ecclésiastiques, ni possédés par les ministres du culte, à raison de leurs fonctions."
    Ainsi, restriction dans les limites très étroites de la propriété territoriale pour les services ecclésiastiques, emploi en rentes sur l'État des valeurs mobilières relatives à ces services, telle est la double précaution prise et sagement par le législateur de l'an X.

    Avec une Église douée d'une incomparable puissance d'absorption et qui, douze ans auparavant possédait un tiers du territoire, la précaution était indispensable. Elle fut salutaire et, pendant quinze ans qu'elle fonctionna, elle abrita la propriété immobilière sous son couvert protecteur. Mais avec la restauration bourbonienne, la direction générale des affaires étant passée aux mains du clergé et de ses amis, il y eut une volte-face soudaine. Pour que l'Église recouvrit sa puissance et que ses ministres fussent indépendants, il fallait que le clergé redevienne propriétaire. Dans ce but, M. de Castelbajac demanda pour les ecclésiastiques et pour les établissements religieux la faculté de recevoir par donation ou par testament toute espèce de biens meubles et immeubles. Des applaudissements enthousiastes accueillirent cette proposition, et, après un débat où tous les orateurs furent unanimes pour déclarer que le salut de la royauté et de la France était attaché à la splendeur de la religion et à l'influence d'un clergé possédant des terres et des domaines, la Chambre adopta, à une grand majorité, un projet de loi en 11 articles, portant en substance que le clergé de chaque diocèse, représenté par l'évêque, les séminaires et autres établissements ecclésiastiques autorisés par le roi pourraient recevoir par donation ou testament tous les biens meubles te immeubles, que la nullité prononcée par l'article 909 du code civil à l'égard des donations faites aux ministres du culte, ayant assisté le testateur dans sa dernière maladie, ne s'appliquerait pas à celles de ces dispositions qui seraient instituées à perpétuité en faveur de ce ministre et de ses successeurs ; enfin, que les détenteurs d'anciens biens du clergé qui les restituaient volontairement dans un délai d'une année, à dater de la promulgation de la loi, jouiraient de plein droit de la remise totale des intérêts, des fruits et fermages perçus et seraient à l'abri de toute indemnité ou dommages et intérêt quelconque résultant soit de cas fortuit, soit de mauvaise gestion.
    C'était la menace même de la restitution des biens nationaux qui se dressait dans le texte de la loi. La Chambre des pairs n'osa pas aller aussi loin. Elle se borna à adopter le principe de la proposition et en fit une loi en trois articles du 2 janvier 1817, loi petite de texte mais grosse de conséquences, et dont nous vous demandons l'abrogation par notre article  4 :
    "Art. 4 : Toutes les dispositions contraires aux articles 73 et 74 de la loi organique du Concordat édictées par la loi du 2 janvier 1817 sont abrogées."
    Cette disposition nouvelle ne vise, bien entendu que l'avenir.

CHAPITRE II

    Telles sont les dispositions restrictives que nous vous proposons d'adopter. Passons maintenant à celles qui ont pour objet les sanctions pénales.
    Les articles 6, et 8 des organiques définissent les cas d'abus, et indiquent comment le recours pourra être porté au conseil d'État. Mais ces textes ont prêté à des interprétations diverses, et il nous a semblé nécessaire de les compléter et de les expliquer à la fois. C'est l'objet de nos articles 5 et 6, ainsi conçus :
    "Art. 5 : Dans aucun cas le recours pour abus ne pourra suspendre l'exercice soit de l'action publique, soit de l'action des particuliers, tant devant les tribunaux civils que devant les tribunaux répressifs.
    Réciproquement l'action du ministère public ou des particuliers contre un ministre du culte à raison des paroles prononcées ou des faits accomplis dans l'exercice de son ministère n'est soumise à la condition préalable d'une déclaration d'abus.
    "Art. 6 : Les recours institués à l'article 7 de la loi organique du Concordat, en cas d'atteinte portée à la liberté garantie aux ministres des cultes, est personnel à l'ecclésiastique qui se prétend atteint dans sa liberté : nul n'est admis à l'invoquer ou à l'exercer à sa place."

    Jusqu'à ce jour, la déclaration d'abus a été la seule peine encourue par le prêtre qui, dans l'exercice de ses fonctions, a manqué aux engagements concordataires. Il en est résulté que cette déclaration a toujours été considérée avec une indifférence qui ressemble à du dédain par ceux qu'elle peut menacer, et que d'autre par, l'opinion publique s'est indignée souvent de voir des paroles et des actes répréhensibles, n'avoir pour sanction qu'une formule dérisoire après une mise en scène pompeuse.
    Nous avions résolu de vous proposer d'ajouter à cette pénalité morale, qui a toujours manqué son effet, une pénalité excessive.
    Que devrait être cette pénalité ?
    La réponse à cette question nous a paru bien facile. L'évêque nommé, ou le curé agréé par l'État ont manqué, la déclaration d'abus en donne la preuve, aux engagements concordataires. Il est donc tout naturel qu'il perde en conséquence les avantages concordataires, c'est-à-dire le traitement.
    Quant aux desservants et vicaires, il nous semblait inutile de faire aussi solennellement constater leur violation du Concordat, puisqu'aucun traitement ne leur est dû en vertu du Concordat, et qu'ils ne doivent qu'à la bienveillance du Gouvernement l'allocation ( Terme introduit dans la loi des finances du budget de 1883 sur un amendement de M. Paul Bert.)  annuelle qui leur est accordée. Les formalités auraient donc pu être ramenées pour eux à des termes plus simples.
    Voici du reste le texte de notre article 7 :
    "Art. 7 : Tout ecclésiastique qui aura encouru une déclaration d'abus pourra par mesure disciplinaire être privé, par arrêté du ministre des cultes, de tout ou partie de son traitement, pendant une durée qui ne pourra excéder un an.
    "En cas de récidive, la privation du traitement sera de droit.
    "En ce qui concerne les desservants et vicaires contre lesquels le recours pour abus ne peut être exercé, leur déplacement devra être demandé à l'évêque. Après deux demandes restées infructueuses, l'allocation qui leur est faite sur les fonds de l'État sera suspendue, sur l'avis du préfet, par décision du ministre des cultes."
    Mais un avis tout récent du conseil d'État ayant décidé que le Gouvernement a le droit avec ou sans déclaration d'abus, de suspendre les traitements pour les curés et évêques comme les allocations de vicaires et desservants, nous avons modifié notre texte. Sans nous étonner que les gouvernements successifs n'aient jamais jusqu'à ce jour usé de ce droit, et sans nous demander comment il se fait que le gouvernement actuel ait attendu pour le reconnaître le dépôt des propositions de loi que nous étudions en ce moment, nous nous bornons à réglementer et surtout à limiter l'exercice de ce droit dont l'existence vient d'être enfin constaté. Et nous disons :
"Art. 7 : Les suppressions de traitement prononcées par le ministre des cultes contre un ecclésiastique ne peuvent s'étendre à plus s'une année."
    L'article 52 des Organiques interdit aux ministres du culte de "se permettre dans leurs instructions aucune inculpation directe ou indirecte, soit contre les personnes, soit contre les autres cultes autorisés par l'État."

    Les infractions à cet article n'avaient été frappées jusqu'ici que de la déclaration d'abus, laquelle était sans sanction. Nous avons cru devoir considérer que les délits commis dans ces conditions de publicité pourraient être assimilés aux délits de presse. C'est la raison de notre article 8.
    "Art. 8 : Les prêtres qui se sera permis, en contravention de l'article 52 de la loin organique, des inculpations contre les personnes, à raison de faits relatifs à leur vie privée, sera puni des peines portées à l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse."

    L'article 9 répond à une nécessité tellement urgente que nous croyons inutile d'insister ; car il semble qu'il n'y a aucune chance de convaincre ceux qui ne l'ont pas sentie.
    "Art. 9 : Tout ministre du culte qui, par ses prédications ou par tout autre moyen tiré de l'exercice de son ministère, aura tenté d'influencer le vote des électeurs ou de les déterminer à s'abstenir de voter, sera passible des peines portées aux articles 39 et 40 du décret du 2 février 1852.
    Art. 10 : Les évêques et les autres ecclésiastiques salariés par l'État ne pourront toucher leur traitement que sur la production d'un certificat de résidence qui, pour les évêques et les membres du clergé diocésain, sera délivré par le préfet ou le sous-préfet ; pour les curés, les desservants et les vicaires, par le maire de la commune où ils exercent leur ministère.
    "Ce certificat de résidence ne pourra être délivré s'il s'est produit dans le cours du trimestre une absence d'un mois sans congé régulier ou sans autorisation gouvernementale.
    "Il y aura lieu, dans ce cas, à retenue proportionnelle du traitement."
    L'article 20 des lois organiques dit :"Les évêques seront tenus de résider dans leurs diocèses ; ils ne pourront en sortir qu'avec la permission du premier consul."
    L'application de cet article a toujours donné lieu à de grandes difficultés. Les évêques ont mis en avant l'autorité du souverain pontife qui les mandait à Rome, et la nécessité de se réunir entre eux pour traiter des intérêts généraux de l'Église. Ces réunions ont parfois pour but de se concerter sur les moyens de résister aux lois édictées par le pouvoir civil ; c'est ce qui arrive, par exemple, à propos de la liberté de l'enseignement supérieur. Jusqu'à ces derniers temps, aucune sanction n'avait été donnée à cette prescription de la loi organique.
    Pendant plusieurs années, la loi de finances avait déclaré que, pour les ecclésiastiques, les traitements ne seraient payés que sur le vu d'un certificat de résidence délivré par les autorités locales. Nous proposons par notre article 10 de généraliser ce système et de l'appliquer à tous les ecclésiastiques salariés par l'État.

    L'article 11 est encore une conséquence du Concordat et il est en harmonie complète avec les idées qui ont décidé la conclusion de ces contrats.
    Le Concordat, en effet, met les édifices paroissiaux à la disposition du clergé séculier, des évêques, des curés, des desservants. A ces hommes que le Gouvernement connaît, puisque les uns sont nommés ou agréés par lui, les autres sont choisis par les premiers, on accorde, pour les besoins du culte auxquels ils sont tenus de satisfaire, la jouissance d'un édifice appartenant aux communes ou à l'État. Mais c'est à la condition bien évidente qu'ils accomplissent eux-mêmes la mission dont ils ont pris charge. S'ils ne sont pas assez nombreux, les vicaires, que l'État a consenti de payer, devront venir à leur secours et parfaire l'œuvre des chefs de paroisse.
    Au lieu de cette situation si simple, on a vu des prêtres étrangers au clergé paroissial, membres de congrégations souvent non admises par la législation, prendre une part de plus en plus active au ministère religieux, et surtout à la prédication. Et alors, au lieu d'un fonctionnaire résidant, responsable d'une manière continue devant ses chefs ecclésiastiques, devant ses paroissiens, devant l'État, les chaires de nos églises voient se succéder des moines inconnus, parfois étrangers, qu'aucun lieu ne retient, qu'aucune considération n'arrête, et qui donnent trop souvent à leur prédications un caractère politique plus que répréhensibles.
    Aux yeux des lois concordataires, ces prêtres n'ont pas le droit de se servir des édifices publics. Nous vous proposons de les frapper de peines de simple police. C'est là l'objet  de notre article 11.
    "Art. 11 : Pourra être puni des peines portées aux articles 479 et 480 du code pénal, tout prêtre non incorporé à un diocèse français, qui aura usé des édifices paroissiaux ou diocésains pour y exercer un des actes du ministère paroissial.
    "dans ce cas, la rétribution qui aurait été allouée au prédicateur par le conseil de fabrique n'entrera pas dans le compte du budget de la fabrique."

CHAPITRE III

Jusqu'ici, les dispositions dont nous vous avons sont de deux ordres : sanction pénales à diverses prescriptions concordataires, suppression de divers avantages et privilèges non concordataires accordés à l'Église.
    Les articles suivants résolvent un certain nombre de questions de détail qui ont de l'importance dans la pratique, et sont l'objet de contestations fréquentes.
    Telle est, par exemple, la question des cloches, question irritante entre toutes, occasion de conflits fréquents, où la magistrature et l'administration ne se mettent pas toujours d'accord. Nous lèverons toutes les difficultés par un texte précis :
    "Art. 12 : Les cloches ont le caractère d'immeubles par destination et subissent la même règle.
    "Les clefs de l'Église restent entre les mains du desservant tant que la cure ou la succursale est occupée. Elles peuvent toujours être requises par la municipalité pour tout services publics consacrés par l'usage.
    "En cas de vacance, ces clefs sont déposées chez le maire.
    "Le curé ou desservant qui s'opposerait à la sonnerie des cloches ordonnée par l'autorité civile sera puni d'une amende de 50 à 200 fr."

    D'après le Concordat, les évêques pouvaient avoir un chapitre dans la cathédrale et un séminaire dans le diocèse ; tous autres établissements ecclésiastiques étaient supprimés.
    Cette disposition n'a pas été observée. Le premier empire n'avait pas encore pris fin que déjà de nombreux établissements ecclésiastiques étaient constitués avec attribution de la capacité civile : menses épiscopales, menses curiales, fabriques, petits séminaires, caisses de retraite pour les prêtres âgés ou infirmes. D'autre part, la porte était largement ouverte aux établissements religieux. Nous n'avons pas à nous occuper de ces derniers dont le sort sera réglé dans la loi sur les associations.
    Quant aux établissements ecclésiastiques, nous ne pensons pas qu'il y ait lieu de revenir sur un état de chose existant depuis plus d'un demi-siècle. Nous vous proposons de les maintenir, mais sous deux réserves expresses.
    La première, c'est que, selon la jurisprudence actuelle du conseil d'État, leur capacité civile sera strictement limitée à leurs attributions. Depuis une trentaine d'années, en effet, il s'était introduit, sous ce rapport, la confusion la plus singulière. Les personnes et les droits se mêlaient de façon à rendre, sur certains points, les intérêts indiscernables. Des fabriques établissaient des écoles ou créaient des bureaux de bienfaisance. ici, la mense épiscopale servait à entretenir un collège ; là, la mense curiale alimentait une ouvre de charité. Il faut qu'à cette confusion succèdent l'ordre et la régularité, et, pour cela, il est nécessaire que chaque établissement s'enferme dans les limites que le législateur lui a tracées, s'occupe des seules choses dont il a reçu mandat de s'occuper, et pour lesquelles seulement la personnalité civile lui a été conférée.
    La seconde réserve, c'est que la lumière soit faite dans les comptes. Pourquoi, en effet, la comptabilité ecclésiastique échapperait-elle aux dispositions qui règlent l'administration des deniers des autres établissements publics, tels que les communes, les hospices, les bureaux de bienfaisance ? Quoi de plus désirable et de plus équitable en même temps que ce bon ordre à introduire dans les budgets auxquels s'inscrivent différentes taxes publiques ? On peut poser le principe dans la loi, sauf à s'en référer, pour l'application, à un règlement d'administration publique.
    De là, notre article 13.
    "Art. 13 : Les établissements ecclésiastiques actuellement existants sont maintenus, avec la réserve que la capacité civile dont ils jouissent sera strictement limitée à leurs attributions spéciales, et qu'ils seront astreints aux règles générales de la comptabilité publique.
    "Un règlement d'administration publique, rendu en conseil d'État, les autorités diocésaines entendues, déterminera l'application de ces règles à chaque établissement ecclésiastique."

    Les écoles secondaires ecclésiastiques, vulgairement désignées sous le titre de petit séminaires, jouissent actuellement d'avantages que rien ne justifie. Ils ont la personnalité civile ; ils sont dispensés de certains impôts.
    Or, ce sont simplement, dans la pratique, des établissements libres d'enseignement secondaire. Les futurs ecclésiastiques y sont confondus avec des élèves ordinaires qui constituent souvent la majorité de la population scolaire. Il n'y a donc aucune raison de conserver les avantages qui leur avaient été concédés en vue d'une destination spéciale qui a disparu.
    De là notre article 14 :
    "Art. 14 : Les immunités accordées par les lois et ordonnances antérieures aux écoles secondaires ecclésiastiques sont et demeurent abrogées.
    "Ces établissements seront désormais réglés par les lois générales sur l'enseignement secondaire privé."

    Beaucoup de notaires oublient que les établissements ecclésiastiques sont en état de tutelle, et qu'il leur est défendu, par l'ordonnance du 14 janvier 1831, de passer aucun acte en leur nom sans l'autorisation préalable du Gouvernement. Actuellement, ces infractions se chiffrent par milliers. La nullité des actes est difficile à invoquer, quand elle n'est pas rendue impossible par la prescription, et la tutelle administrative n'est plus qu'un vain mot.
    Nous vous proposons de frapper les notaires contrevenants d'une forte pénalité.
    "Art. 15 :  Tout notaire qui aura passé un acte en infraction aux prescriptions de l'article 2 de l'ordonnance du 14 janvier 1831, sera passible d'une amende de 500 à 2 000 fr. ; en cas de récidive, l'amende sera la même, et le tribunal correctionnel prononcera la révocation du notaire.

    Tout établissement, être moral, doit avoir son état civil comme tout être réel. L'ordre public l'exige. CEpendant un grand nombre de lieux de cultes sont ouverts sans autorisation, en infraction de l'article 44 de la loi organique, de l'article 8 du décret de 1812 et même de l'article 294 du code pénal. Nous ne ferons pas ressortir les dommages pécuniaires qui en résultent pour les fabriques et subsidiairement pour les communes. L'intérêt est plus haut : tant qu'il n'aura pas été procédé à un recensement exact de tous les lieux du culte, à l'effet d'arriver à la fermeture de ceux qui ne sont pas autorisés, l'application du pacte concordataire, dans sa lettre et dans son esprit restera difficile. A côté du culte célébré dans les églises paroissiales, sous l'autorisation de l'évêque et la surveillance du Gouvernement, il y aura le culte des chapelles, célébré sans aucun contrôle des pouvoirs publics, sous l'autorité de congrégations non autorisées ou de toutes autres individualités irresponsables. D'où un double clergé, l'un officiel, attitré, légal ; l'autre occulte, en quelque sorte, et échappant aux dispositions de la loi. C'est à cette situation qu'il convient d'aviser.
    La fermeture des lieux de culte non autorisés ne sauraient, d'ailleurs, porter atteinte au droit qui appartient à l'autorité diocésaine de fixer le nombre de prêtres dits habitués dans les église, en sus du clergé salarié par l'État, et, par suite, la liberté d'action de cette autorité n'est pas en question.
    Art. 16 : L'autorisation donnée, conformément au décret du 22 décembre 1812 de posséder des chapelles domestiques et des oratoires particuliers pour l'usage exclusif des personnes de la maison ou de l'établissement, ne comprend pas le droit d'ouvrir ces chapelles et ces oratoires au public.
    "Lorsque, sans autorisation spéciale et expresse, le culte public ou un acte du culte public aura été célébré dans ces lieux destinés au culte privé, le propriétaire, le locataire ou la personne ayant la disposition de ces chapelles et oratoires sera puni d'une amende de 15 à 200 fr. , pour chaque contravention."

    La proposition de M. Paul Bert préconisait en outre l'abrogation d'un grand nombre de décrets et d'ordonnances qui constituent des concessions excessives ou des dérogations aux principes concordataires. Nous n'avons pas cru devoir faire figurer ces dispositions dans un texte législatif. Nous nous contentons, dans la loi, de modifier ou d'abroger des lois. Il appartiendra au pouvoir exécutif de prendre ensuite la série de décrets nécessaires pour mettre en harmonie la pratique des choses avec la législation nouvelle. Nous en avons assez dit pour lui indiquer dans quel esprit il doit agir.


Déclaration des membres de la minorité catholique
de la commission du Concordat.
(rédigée par M. le baron Makau et M. le comte de Mun)




©Maurice Gelbard
9, chemin du clos d'Artois
91490 Oncy sur École
ISBN 2 - 9505795 -2 - 3
Dépôt légal 2ème trimestre 1999