Instruction du Directeur général de l'enregistrement, des domaines et du timbre,

du 3 juillet 1908,

Relative à l'exécution de la loi du 13 avril 1908 modifiant les articles 6, 7, 9, 10, 13 et 14

de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et, de l’État

(Extraits)


Les biens qui dépendaient des établissements publics du culte supprimés par la loi du 9 décembre 1905 (Instr. 3177, annexe n° 1) et qui, en exécution de l'article 8 de cette loi, ont été placés sous séquestre en attendant leur attribution aux établissements communaux d'assistance ou de bienfaisance (art. 9), ne pouvaient, dans l'état de cette législation, être transmis tels qu'ils se comportent actuellement, c'est-à-dire avec les dettes et les charges qui les grèvent, sans exposer les établissements dévolutaires à des procès longs et coûteux et à l'exécution de charges inconciliables avec la mission qui leur est légalement assignée.

D'un autre côté, un nombre considérable d'instances ont été engagées soit en vue de la reprise des biens ecclésiastiques ayant fait l'objet de dons, de legs ou de fondations pieuses, soit en vue du payement des dettes contractées par les anciens établissements du culte. Ces procès non seulement menaçaient, par les frais considérables qu'ils auraient entraînés, d'absorber la majeure partie de l'actif destiné aux pauvres, mais encore risquaient de retarder indéfiniment la libération de cet actif et son attribution.

Il fallait donc, de toute nécessité, fixer l'interprétation de la loi de 1905 de manière à mettre fin promptement aux controverses qui s'étaient élevées, et déterminer un délai pour l'exercice des actions en reprise de biens et en payement de dettes, afin que, passé ce délai, on se trouvât en présence d'un passif définitivement arrêté et qu'on pût procéder alors à sa liquidation et à son payement intégral.

Tel a été l'objet principal de la loi du 13 avril 1908, promulguée le 14 au Journal officiel.

La réforme réalisée par cette loi consiste, par conséquent, à faciliter la liquidation du patrimoine des anciens établissements ecclésiastiques au moyen d'un ensemble de mesures qui permettront de remettre aux établissements d'assistance ou de bienfaisance un actif certain libéré, à la suite d'une procédure simple et rapide, d'une part, de toutes charges étrangères à sa nouvelle affectation et notamment des actions en reprise ou en revendication créées par l'article 9 de la loi du 9 décembre 1905, d'autre part de toutes les dettes grevant ce patrimoine.

Parmi les dispositions édictées dans ce but par la loi nouvelle, les unes concernent la gestion des biens séquestrés, d'autres intéressent plus particulièrement le domaine de l’État.

La présente instruction est destinée à préciser sur les points les plus importants les règles à suivre en vue d'assurer l'exécution de celles de ces dispositions qui visent :

1° L'action en reprise des biens ayant appartenu aux anciens établissements ecclésiastiques ;

2° La liquidation et le payement du passif afférent à ces biens. ;

3° L'exécution des charges qui les grèvent ;

4° La dévolution des biens et les formalités consécutives à cette dévolution ; . 5° L'affectation ou la concession gratuite à des services publics des immeubles désaffectés appartenant à l’État


I. - ACTION EN REPRISE DES BIENS AYANT APPARTENU

AUX ANCIENS ÉTABLISSEMENTS ECCLÉSIASTIQUES.


1. Dispositions interprétatives de la loi du 9 décembre 1905. — Aux termes du paragraphe 3 de l'article 9 de la loi dû 9 décembre 1905, relatif aux biens ecclésiastiques qui, à défaut d'association cultuelle, doivent être attribués par décret aux établissements communaux d'assistance ou de bienfaisance, « toute action en reprise ou en revendication, (de ces biens) devra être exercée dans un délai de six mois à partir du jour où le décret aura été inséré au Journal officiel. L'action ne pourra être intentée qu'en raison de donations ou de legs et seulement par les auteurs et leurs héritiers en ligne directe. »

L'article 7 réglait en termes identiques l'exercice de l'action en reprise des biens qui étaient grevés d'une affectation charitable ou de toute autre affectation étrangère à l'exercice du culte et dont la dévolution doit s'opérer en faveur des services ou établissements publics ou d'utilité publique ayant une destination conforme à celle desdits biens.

Le sens et la portée de cette double disposition ont été diversement interprétés par la jurisprudence. Tandis qu'un certain nombre de tribunaux reconnaissaient, conformément à la thèse de l'administration, que les mots « action en reprise ou en revendication » englobaient toutes les actions du droit commun et notamment celles qui découlent des articles 953, 1046 et 1184 du Code civil, d'autres décisions avaient admis, au contraire, que ces dernières actions restaient en dehors des prévisions et restrictions des articles 7 et 9 de la loi de 1905, de telle sorte qu'elles pouvaient être exercées pendant trente ans et par tous les successeurs à titre universel de l'auteur de la libéralité, à la seule condition que les charges n'eussent pas été exécutées.

Il importait de mettre rapidement un terme à ces hésitations de la Jurisprudence et de substituer aux textes qui les avaient suscitées une nouvelle affirmation de la volonté du législateur de 1905. C'est là le but des articles 2 et 3, § 3," de la loi du 13 avril 1908, qui renferment les «dispositions interprétatives » ci-après :

«Art. 2. Le paragraphe 2 de l'article 7 de la loi du 9 décembre 1905 est abrogé et remplacé par les dispositions suivantes : « Toute action en reprise, qu'elle soit qualifiée en revendication, en révocation ou en résolution, concernant les biens dévolus en exécution du présent article, est soumise aux règles prescrites par l'article 9. . . -

« 3. Le paragraphe 3 de l'article 9 de la loi du 9 décembre 1905 est abrogé et remplacé par les dispositions suivantes :

« §.3. Toute action en reprise, qu'elle soit qualifiée en revendication, en révocation ou en résolution, doit être introduite dans le délai ci-après déterminé.

« Elle ne peut être exercée qu'en raison de donations, de legs ou de fondations pieuses et seulement par les auteurs et leurs héritiers en ligne directe. . « Les arrérages de rentes dues aux fabriques pour fondations pieuses ou cultuelles et qui n'ont pas été rachetées cessent d'être exigibles.

« Aucune action d'aucune sorte ne pourra être intentée à raison de fondations pieuses antérieures à la loi du 18 germinal an X. »

2. Effet juridique du paragraphe 3 de l'article 3. — En raison de leur caractère interprétatif, ces dispositions s'incorporent à la loi du 9 décembre 1905, qui, par suite, « doit être considérée comme ayant été rédigée dès l'origine conformément au texte interprétatif ». C'est ce qui a été maintes fois affirmé au cours de la discussion et notamment à la séance de la Chambre du 27 novembre 1907 : « Tout ce qui a pu exister entre les deux textes disparaît, » a déclaré M. le ministre des cultes ; par conséquent, les tribunaux, « se trouvant en présence d'une disposition interprétative, doivent la respecter, et cette disposition atteint non pas les actions de parvenir, mais toutes les actions nées depuis la loi de 1905, car c'est celle-ci (la nouvelle loi alors en discussion) qui sera la loi de 1905. »

Il est recommandé aux agents de ne jamais perdre de vue, pour l'application des articles susvisés, je caractère particulier que revêt le nouveau texte.

3. Nature de l'action en reprise. — Aucune discussion ne saurait subsister sur la véritable signification des mots « action en reprise ou en revendication » employés par le législateur de 1905. L'origine et la nature de cette action ont, d'ailleurs, été nettement précisées au cours des débats parlementaires.

La loi de séparation prononçant la suppression des établissements publics du culte, le sort des biens qui avaient appartenu à ces personnes morales échappait aux prévisions du Code civil et . nécessitait l'application de règles spéciales inspirées par les principes du droit public. La dévolution de ces biens à des établissements d'assistance ou de bienfaisance n'aurait donc pu, à défaut d'une disposition expresse dans ce sens, donner ouverture à une action en reprise au profit des tiers donateurs, ou des représentants des testateurs, et il fallait que le législateur intervînt pour créer, cette action que les textes du Code civil, étrangers à la matière, ne pouvaient pas conférer aux intéressés, même en cas d'inexécution des charges des donations ou des legs, résultant de la suppression de l'établissement gratifié. Or, c'est précisément cette action spéciale et nouvelle que, dans un esprit d'équité, la loi de 1905 a instituée au profit des auteurs des fondations et de leurs héritiers en ligne directe. Il importe donc peu, comme l'exprime le texte interprétatif de Î908, que l'action en reprise « soit qualifiée en revendication, en révocation, ou en résolution » ; dans aucun cas elle n'est régie par les dispositions du Code civil, telles qu'elles résultent notamment des articles 953, 1046 et 1184. Elle dérive uniquement d'un texte spécial de droit public et se substitue, en les excluant, à toutes les autres actions de droit commun.

4. Conditions d'exercice de l'action en reprise.Du moment où le législateur créait une action privilégiée et dérogatoire au droit commun, il devait en limiter rigoureusement l'exercice. C'est ainsi que l'action en reprise ne peut être introduite :

1° Que « dans le délai ci-après déterminé » (Voir infra, n° 17);

2° « Qu'en raison de donation, de legs ou de fondations pieuses », sans qu'il y ait lieu, d'ailleurs, de distinguer, en ce qui concerne les fondations, entre celles qui résultent de libéralités proprement dites et celles qui, instituées par actes sous seing privé et moyennant des charges correspondant assez exactement à l'émolument recueilli par l'ancien établissement ecclésiastique, ont pu être assimilées, sous le régime concordataire, à des contrats à titre onéreux;

3° « Et seulement par les auteurs et leurs héritiers en ligne directe. » Sont exclus, par conséquent, les héritiers collatéraux, le légataire universel et le conjoint survivant de l'auteur du don, du legs ou de la fondation. Seuls, ses héritiers en ligne directe, légitimes ou naturels, et ses enfants adoptifs (art. 850 C. civ.) sont recevables à exercer l'action en reprise. D'où la conséquence suivante : dans le cas d'une fondation pieuse faite conjointement au profit d'un établissement ecclésiastique par plusieurs personnes, dont l'une est décédée sans laisser d'héritiers en ligne directe, la reprise des biens affectés à cette fondation ne peut s'opérer qu'en faveur des auteurs survivants et seulement dans la mesure où chacun d'eux a contribué à la libéralité. Quant à la part du fondateur décédé, elle ne peut être revendiquée par ses représentants actuels, puisqu'ils ne sont pas ses héritiers en ligne directe.

5. Étendue de l'action en reprise. Donations ou legs sans charges. L'exercice de l'action en reprise n'est pas subordonné à d'autres conditions. Il n'est pas nécessaire, notamment, pour que cette action puisse être valablement introduite, qu'elle ait pour objet la revendication de biens donnés ou légués moyennant l'accomplissement de charges déterminées. Le changement d'être moral, la substitution d'un autre établissement public à celui que le donateur ou le testateur a entendu gratifier, ont été envisagés, en effet, comme occasionnant l'inexécution d'une condition essentielle, quoique implicite, dé la libéralité (Voir supra, n° 3). L'auteur de cette libéralité ou ses héritiers en ligne directe doivent donc être admis à réclamer le bien donné ou légué, abstraction faite de toute espèce de conditions ou de charges spéciales formellement exprimées. S'il en était autrement, l'action en reprise se confondrait avec l'action restreinte en résolution ou en révocation du Code civil. Or, les termes généraux et compréhensifs du paragraphe 3 de l'article 3 n'impliquent évidemment pas une telle restriction.

6. Objet de la reprise. Restitution a opérer par le séquestre. — Ainsi que cela résulte de la disposition interprétative du paragraphe 3 de l'article 3 de la loi du 13 avril 1908, l'action accordée à l'auteur de la libéralité ou à ses héritiers en ligne directe tend non pas à la résolution ou à la révocation de la libéralité, mais à la reprise pure et simple de l'objet de cette libéralité, dans l'état où il se trouve et avec sa valeur à l'époque où l'action a pris naissance, c'est-à-dire au moment de la suppression de l'établissement du culte gratifié.

C'est, par conséquent, le bien donné ou légué formant l'objet de la fondation qui doit, en principe, être restitué à l'ayant droit dont l'action en reprise aura été reconnue fondée.

Si ce bien ne se retrouve pas en nature, il conviendra de restituer la valeur in specie qui le représente actuellement dans le patrimoine séquestré.

Mais, en vertu du principe d'équité que nul ne peut s'enrichir aux dépens d’autrui la restitution ne doit être ordonnée que sous déduction de la plus-value procurée au bien, s'il s'agit d'un immeuble, car les impenses d'amélioration ou de construction qu'y aurait faites l'ancien établissement ecclésiastique.

La majeure partie des instances en révocation ou en résolution engagées jusqu'à présent contre le séquestre ont eu pour objet soit une somme d'argent, soit un titre de rente sur l’État français. Pour défendre à ces actions, lorsqu'elles émanaient des auteurs des fondations ou de leurs héritiers en ligne directe, l'administration a concédé subsidiairement que le tribunal pouvait ordonner :

1° La restitution de la somme, quand l'auteur de la libéralité avait donné à l'établissement ecclésiastique une somme déterminée à charge de dire un certain nombre de messes, par exemple, mais sans s'expliquer sur l'emploi d cette somme.

2° La restitution du titre de rente sur l’État, lorsque la donation ou le legs avait eu pour objet soit ce titre lui-même, soit « la somme nécessaire pour acheter tant de rente sur l’État », soit enfin «la somme suffisante pour produire un revenu de... affecté à la célébration des messes. » Ces distinctions, qui se justifiaient dans l'hypothèse d'une résolution de la libéralité, doivent cesser d'être observées, comme n'étant plus en harmonie avec la nature toute spéciale et le caractère juridique attribués à l'action en reprise par la disposition interprétative de la loi du 13 avril 1908. Toutes les fois que, conformément aux règlements administratifs, les sommes données ou léguées aux anciens établissements du culte ont été employées en rentes sur l’État, c'est, en principe, le titre et non la somme qu'il convient de restituer à l'auteur de la fondation ou à ses héritiers en ligne directe.

7. Restitution des fruits et intérêts des valeurs données ou léguées. — Jusqu'à présent, l'Administration a soutenu que, comme tout possesseur sans autre titre que sa bonne foi (art. 549 C. civ.), le séquestre ne doit la restitution des fruits des biens revendiqués ou le payement des intérêts des sommes d'argent qu'à compter de la demande en justice ou de la mise en demeure qui a pu la précéder, et à la condition, bien entendu, que cette demande en justice ou cette mise en demeure soit postérieure à l'inexécution des charges.

Cette thèse serait aujourd'hui difficilement conciliable avec les dispositions interprétatives de la loi du 13 avril 1908, Du moment, en effet, où, d'après cette loi, l'action en reprise peut être valablement exercée à partir du jour où la condition essentielle, quoique implicite, de la libéralité a cessé d'être remplie par suite de la disparition de l'établissement gratifié, c'est évidemment à la date de la suppression de cet établissement qu'il convient de se placer pour fixer l'époque de l'ouverture de l'action en reprise et, par conséquent, pour déterminer le point de départ du calcul des fruits, intérêts ou arrérages acquis aux ayants droit à la restitution.

Les directeurs auront à soumettre au préfet des propositions dans ce sens pour toutes les affaires que l'autorité préfectorale sera appelée à solutionner, y compris celles qui auraient fait l'objet d'instances engagées avant la loi du 13 avril 1908 et actuellement pendantes.

8. Arrérages de rentes dues aux fabriques pour fondations pieuses ou cultuelles. —La loi nouvelle règle de la façon la plus libérale la situation des personnes qui ont conservé la propriété des capitaux dont les intérêts annuels étaient destinés à assurer l'exécution de fondations pieuses ou cultuelles et aussi des personnes qui se sont engagées à servir ou qui ont été chargées de servir des rentes en denrées ou en espèces aux fins de fondations de même nature. Le paragraphe 3 précité de l'article 3 dispose que les arrérages de ces rentes cessent d'être exigibles. Sont seules exceptées les rentes qui ont été rachetées, c'est-à-dire éteintes moyennant le versement à la fabrique d'un capital utilisé, par exemple, pour l'acquisition d'un titre de rente sur l’État

Dans sa généralité, cette disposition interprétative s'applique à toutes les rentes dues sous le régime concordataire, y compris celles qui ont fait retour à l’État en vertu de l'article 5 de la loi du 9 décembre 1905 (voir n° suiv.).

Le texte ne vise, il est vrai, que les rentes dues aux fabriques, mais le législateur n'a pas eu l'intention de restreindre sa faveur aux débiteurs des seuls établissements fabriciens ; il a statué de eo quod plerumque fil, et on doit admettre que l'exonération bénéficie à tous les débiteurs des rentes dont il s'agit, quel qu'ait été l'ancien établissement ecclésiastique créancier. Il n'y a pas non plus de distinction à faire suivant le lien de parenté du débirentier avec l'auteur de la fondation : qu'il soit le représentent en ligne directe ou non de cet auteur, son obligation se trouve rétroactivement résolue de plein droit à partir de la date de la mise sous séquestre des biens de rétablissement créancier et en dehors de toute action en justice.

Les agents devront, en conséquence, s'abstenir de toute réclamation à cet égard.

Quant aux instances engagées par ou contre le séquestre, antérieurement à la loi du 13 avril 1908, au sujet de l'exigibilité d'arrérages des rentes susvisées, elles n'ont plus d'objet, lors même que l'action émanerait de représentants du fondateur autres que ses héritiers en ligne directe.

9. Fondations pieuses antérieures à la loi du 18 germinal an X.- Aucune action d'aucune sorte ne pourra être intentée a raison de ces fondations » (Art, 3, § 3, avant-dernier alinéa).

Cette disposition, d'ailleurs interprétative et, par conséquent, rétroactive, s'applique aux biens grevés de fondations qui proviennent de l’État et qui doivent lui faire retour en vertu de l'article 4 de la loi du 9 décembre 1905, et spécialement aux biens et valeurs non aliénés dont jouissaient les fabriques et qui ont été rendus à leur destination, conformément à l'arrêté du 7 thermidor an XI (Voir Instr. 3197, chap. I, § 2, p. 3). Ainsi que l'a expliqué M. le ministre des cultes à la séance de la Chambre du 17 décembre 1907, l’État reprend ces biens, libres de toutes charges ou fondations, « sans laisser subsister aucune action d'aucune sorte au profit de qui que ce soit. Et l'amendement de M. Dumont, incorporé à l'article 3, a pour but de préciser ce principe de droit-public. »

Il en résulte notamment que, sur les biens grevés des fondations de l'espèce, le domaine n'a pas à mettre en réserve la portion correspondant aux charges de messes, en prévision de la remise à opérer dans les conditions prévues au paragraphe 16 de l'article 3.

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23. Frais d'instance exposés par le séquestre. — Ces frais, aux ternies de l'alinéa 2 du paragraphe 13, « seront, dans tons les cas, employés en frais privilégiés sur le bien séquestré, sauf recouvrement contre la partie adverse condamnée aux dépens, ou sur la masse générale des biens recueillis par l’État »

Au sujet de cette disposition, le rapporteur de la Commission a donné à la tribune de la Chambre les explications suivantes :

L'administration des domaines n'intervient à l'instance qu'en qualité de séquestre. Elle ne peut donc pas personnellement être condamnée aux dépens, même si elle succombe au principal. C'est par conséquent sur le patrimoine séquestré que doivent être prélevés les dépens en cas de perte du procès. La restitution du bien litigieux s'opérera intégralement, sans aucune déduction de frais de procédure, si l'actif de l'ancien établissement ecclésiastique intéressé est suffisant pour faire face au règlement de ces frais. Si, au contraire, le compte du séquestre se solde par un déficit ou par un reliquat insuffisant, la valeur revendiquée ne peut être restituée que sous retenue de tout ou partie du montant des dépens, sauf au demandeur qui a obtenu gain de cause à exercer son recours, pour le remboursement de ces frais, sur le fonds commun constitué à l'aide des biens ayant fait retour à l’État (art. 1, § 1, n° 4, 2e alinéa. Voir infra, 11° 38).

Si l'on se fondait exclusivement sur ces explications pour interpréter le paragraphe 13, 2e alinéa de l'article 3, et le paragraphe 1-4° de l'article 1, on pourrait être tenté de soutenir qu'en cas d'insuffisance de l'actif de l'établissement séquestré les frais dont il s'agit ne pourraient être récupérés que sur l'ensemble des biens ayant fait retour à l’État Mais cette interprétation serait contraire à l'esprit de la loi. D'après les intentions manifestes du législateur, le patrimoine d'un établissement séquestré, constituant le gage commun de ses créanciers, doit tout d'abord être affecté au payement du passif qui lui est propre. Si ce patrimoine est insuffisant, le reliquat des dettes sera soldé sur la masse des biens diocésains, et ce n'est qu'en cas d'insuffisance de cette masse elle-même qu'il y aura lieu de recourir à la masse formée des biens repris par l’État. Une dérogation à ce mode de procéder se justifierait moins pour les frais d'instance que pour toute autre dette. On ne concevrait pas, en effet, que l'affectation solidaire de tous les biens des établissements diocésains au payement du reliquat du passif de l'ancien diocèse ne fût pas applicable aux frais exposés par le séquestre dans l'intérêt et pour la conservation des patrimoines séquestrés, c'est-à-dire, en somme, dans le but de diminuer l'importance du reliquat passif à prélever sur la masse diocésaine. On ne s'expliquerait pas davantage, et en tout cas il apparaîtrait comme souverainement injuste que l’État fût astreint à supporter seul la charge de ces frais par prélèvement sur des biens qui lui font retour. En disposant que les frais seraient recouvrés sur la masse générale des biens recueillis pat l’État, le législateur n'a donc pu d'autre pensée que de viser le cas où il n'aurait pas la possibilité de récupérer les dépens d'instance sur le patrimoine établissement et où il serait, par suite, indispensable de les recouvrer soit sur le surplus des biens placés sous séquestre, c'est-à-dire sur la masse des biens diocésains, soit, le cas échéant, sur les biens ayant fait retour à l’État.

Par conséquent, si l'établissement mis sous séquestre présente un actif suffisant (déduction faite des frais de régie restant à percevoir sur les recettes encaissées jusqu'à la date courante), les frais d'instance seront prélevés par privilège sur cet actif. Dans le cas contraire, ils seront retenus sur la valeur à restituer à la partie adverse, et celle-ci, pour ce qui n'aura pu lui être remis ou payé par suite du prélèvement des frais, exercera son droit de créance dans les conditions ordinaires, d'abord sur la masse des biens diocésains et ensuite sur la masse des biens recueillis par l’État

Au cas, d'ailleurs, où l'objet de la reprise consisterait en un immeuble ou tout autre bien dont il pourrait y avoir intérêt à éviter la vente, rien ne s'opposerait à ce qu'une entente intervînt avec la partie adverse et à ce que celle-ci remboursât les frais en espèces, sauf à exercer son droit de créance pour le montant de ces frais comme il vient d'être dit.

Enfin, il importe de remarquer que le mode de prélèvement des frais prévu par le deuxième alinéa du paragraphe 13 constitue une disposition d'ordre public qui est, dès lors, certainement rétroactive. Il en résulte que les règles tracées par ce texte et dont l'application ne lèse aucun droit acquis doivent présider au règlement de toutes les instances ; même de celles qui ont reçu une solution par un jugement rendu antérieurement à la promulgation de la loi nouvelle.


II — Payement du passif.

24. But et économie des nouvelles dispositions relatives au paiement du passif. On a jugé indispensable d'attribuer aux établissements de bienfaisance des biens qui soient non seulement nets de toutes charges incompatibles avec leur nouvelle affectation ou sujettes à litige, mais encore libérés de toutes dettes. L'une des préoccupations principales du législateur de 1908 a été aussi que des tiers n'aient pas à souffrir dans leurs intérêts les plus respectables de l'absence d'associations cultuelles aptes à recueillir tout à la fois l'actif et le passif des établissements ecclésiastiques, et dans cet ordre d'idées il a manifesté très fermement l'intention d'assurer le payement intégral et complet de tous les créanciers de ces établissements.

Les dispositions édictées à cet-effet par la loi nouvelle ont un double objet :

D'une part, elles précisent et simplifient la procédure que doivent suivre les créanciers pour être admis à la répartition de l'actif de l'établissement supprimé ;

En second lieu, elles affectent au payement des dettes, en cas d'insuffisance d'actif, le patrimoine des anciens établissements diocésains et subsidiairement l'ensemble des biens ayant fait retour à l’État

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35. Insuffisance d'actif. nouvelles dispositions tendant a assurer l'extinction de la totalité du passif. Le payement intégral et complet de tous les créanciers dès anciens établissements ecclésiastiques ne pouvait être assuré qu'à la condition d'affecter des ressources spéciales à l'acquittement des dettes que l'insuffisance de l'actif des établissements débiteurs n'aurait pas permis d'éteindre.

« Le gouvernement — porte à ce sujet l'exposé des motifs de la loi — n'hésite pas à proposer, pour faire face à ce payement, non pas seulement le revenu global des biens faisant retour à l’État, ainsi que le prévoyait l'article 6 § 2 de la loi de 1905, mais le montant de ces biens en capital, lequel, d'après les chiffres actuellement connus, n'est pas inférieur à 12 millions; mais il lui a paru qu'en premier lieu les biens des établissements ecclésiastiques devaient être employés au payement des dettes contractées par le service du culte sous le régime concordataire.

« Pour ne pas frustrer les établissements charitables communaux de la part qui leur revient le plus légitimement, c'est sur l'ensemble des biens des établissements diocésains et non sur l'ensemble des biens des établissements paroissiaux et diocésains qu'il propose d'acquitter le reliquat des dettes.

« Les ressources des menses épiscopales, chapitres et séminaires, paraissent devoir, dans la plupart des anciennes circonscriptions diocésaines, être assez élevées pour faire face au payement des dettes de tous les établissements compris dans chacune de ces circonscriptions, et, dans le cas où elles seraient insuffisantes, le produit des biens ayant fait retour à l’État viendra assurer le désintéressement total des créanciers. Il paraît d'ailleurs légitime et naturel d'établir, entre tous les établissements ecclésiastiques ayant fait partie d'une même circonscription diocésaine, une solidarité au point de vue de l'acquittement du passif qu'ils avaient contracté avant la séparation des Églises et de l’État »

Telles sont les considérations qui ont motivé le vote dû paragraphe 1, n° 4, article 1, ainsi conçu :

« Les biens des menses archiépiscopales et épiscopales, chapitres et séminaires, seront, sous réserve de l'application des dispositions du paragraphe précédent, affectés, dans la circonscription territoriale de ces anciens établissements, au payement du reliquat des dettes régulières ou légales de l'ensemble des établissements ecclésiastiques, compris dans ladite circonscription, dont les biens n'ont pas été attribués à des associations cultuelles, ainsi qu'au payement de tous frais exposés et de toutes dépenses effectuées relativement à ces biens par le séquestre, sauf ce qui est dit au paragraphe 13 de l'article 3 ci-après. L'actif disponible après l'acquittement de ces dettes et dépenses sera attribué par décret à des services départementaux de bienfaisance ou d'assistance.

« En cas d'insuffisance d'actif, il sera pourvu au payement desdites dettes et dépenses sur l'ensemble des biens ayant fait retour à l’État en vertu de l'article 5. ».

36. Biens diocésains exclus de l'affectation au payement du passif. — D'après l'article 1, § 1, n° 3, doivent être attribués à des départements ou à des communes et, par conséquent, exclus de la masse diocésaine affectée au payement du passif, les immeubles bâtis autres que les édifices servant à l'exercice du culte, qui n'étaient pas productifs de revenus lors de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905, ainsi que les cours et jardins y attenant.

Par immeubles bâtis non-productifs de revenus, il faut entendre les bâtiments et leurs annexes (cours et jardins) précédemment utilisés par les anciens établissements ecclésiastiques pour un objet conforme à l'une des destinations de ces divers établissements. Tels étaient notamment les archevêchés et évêchés pour les menses archiépiscopales et épiscopales, les bâtiments occupés par les professeurs et les élèves pour les séminaires, etc.

Tous les autres immeubles rentrant dans le patrimoine privé des établissements (maisons de ferme ou de rapport, ateliers, magasins ou usines) doivent être considérés comme ayant été productifs de revenus, alors même qu'ils n'auraient pas été loués par des baux en cours lors de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905. Au surplus, en cas de doute, et avant toute aliénation, les directeurs auraient à en référer à la Direction générale sous le timbre de la 3e division, 3e bureau.

37. mode de payement du passif. sur les biens diocésains. Limites de cette affectation. — Ce n'est qu'à titre subsidiaire et en cas d'insuffisance d'actif d'un ou plusieurs des anciens établissements débiteurs que le reliquat du passif peut être prélevé sur la masse commune des biens diocésains. Ce prélèvement est, subordonné aux conditions suivantes :

1° II faut qu'il s'agisse soit de frais exposés ou de dépenses effectuées par l'Administration pour la conservation et la gestion des biens séquestrés, soit de dettes régulières ou légales, 'préalablement admises au passif;

2° Le prélèvement sur la masse diocésaine implique nécessairement la discussion préalable de chacun des établissements débiteurs originaires, quel que soit leur caractère, diocésain ou paroissial. Tant que la situation active et passive de chaque établissement n'aura pas pu être nettement dégagée après l'expiration des délais prévus par les paragraphes 7, 12 et 16 de l'art. 3, il ne sera pas possible de savoir s'il y a insuffisance d'actif justifiant le recours sur les biens diocésains. Il convient, d'ailleurs, pour déterminer le reliquat actif ou passif d'un établissement, . d'envisager l'ensemble de son patrimoine et de ne pas s'en tenir uniquement aux sommes actuellement disponibles dans la caisse du séquestre. Ce sont, en effet, les biens en nature, et non pas seulement les valeurs liquides, qui répondent du payement des dettes. Les agents devront donc se borner actuellement à liquider le passif de chaque établissement séquestré dans les conditions précédemment indiquées (V. supra., nos 30 à 34). Des instructions leur seront ultérieurement adressées au sujet des mesures de manutention et de comptabilité que comportent l'organisation et le fonctionnement du fonds commun diocésain. Mais il paraît d'ores et déjà certain que ce qui restera après la liquidation particulière de chacun des établissements diocésains devra constituer une masse qui sera aliénée pour le payement du passif, selon l'ordre indiqué au n° 34 ci-dessus (rentes sur l’État, créances, objets mobiliers, immeubles), sans distinction ni préférence entre les biens provenant de la mense -épiscopale, des chapitres ou des séminaires ;

3° La « circonscription territoriale » des menses archiépiscopales et épiscopales, chapitres et séminaires a les mêmes limités que l'ancien diocèse lui-même. Elle englobe, par conséquent, tous les établissements paroissiaux situés dans le même diocèse, c'est-à-dire tous ceux sur lesquels s'exerçait l'autorité ecclésiastique de l'archevêque ou de l'évêque. Si, après payement du passif de. tous les établissements d'un même diocèse, il existe un reliquat actif, ce reliquat n'est pas affecté à l'acquittement des dettes des établissements d'un autre diocèse : il est attribué à des services départementaux de bienfaisance ou d'assistance. En d'autres termes, la solidarité établie par la loi ne s'étend pas au delà des limites du diocèse.

38. Biens ayant fait retour à l’État. Payement du passif. Ce n'est plus seulement le revenu global, comme le stipulait le deuxième alinéa de l'art. 6 de la loi du 9 décembre 1905, mais aussi le capital même, des biens ayant fait retour à l’État, qui est appelé, le cas échéant, à contribuer au règlement du passif des établissements supprimés, après prélèvement sur les biens diocésains.

Dès lors, l'obligation du remploi en rentes sur l’État du produit net de la vente des biens repris, prévue par l'art. 19 du règlement du 16 mars 1906 (Instr. n° 3197, § 18), n'a plus de raison d'être. Cette mesure avait pour but d'assurer au fonds commun, en remplacement du revenu des fonds aliénés, celui à provenir des prix de vente; elle est sans utilité, du moment où c'est la masse même des biens qui doit faire face au payement du passif.

Les opérations de comptabilité nécessitées par la gestion du nouveau fonds commun feront l'objet d'une instruction spéciale, dès que les règles à suivre en cette matière auront été arrêtées par la Direction générale de la comptabilité publique.


III Exécution des charges grevant les biens séquestrés.

39. Charges pieuses ou cultuelles. Aux termes des premier et deuxième alinéas du paragraphe 14 de l'art. 3, dont les dispositions s'appliquent expressément au séquestre, ne peuvent être remplies en aucun cas ni les charges pieuses ou cultuelles ni celles dont l'exécution comporterait l'intervention soit d'un établissement public du culte, soit de titulaires ecclésiastiques. Quant aux charges nécessitant l'intervention d'ecclésiastiques pour l'accomplissement d'actes cultuels, elles ne peuvent pas davantage être exécutées, à moins qu'il ne s'agisse de libéralités autorisées antérieurement à la promulgation de la loi du 13 avril 1908 et que, nonobstant l'intervention de ces ecclésiastiques, le séquestre conserve un droit de contrôle sur l'emploi desdites libéralités.

40. Charges dont le séquestre doit assurer l'exécution. Elles sont indiquées dans là circulaire du garde des sceaux annexée à la présente instruction (annexe n° III). Les agents auront à se reporter à cette circulaire, et si des difficultés particulières venaient à surgir, les directeurs en référeraient à la Direction générale (3e division, 3e bureau).

41. Dispositions spéciales a l’État, aux départements, aux communes et aux établissements publics. Les alinéas 4 et suivants du paragraphe 14 règlent le mode d'exercice de l'action en reprise des biens, grevés de charges, qui appartenaient, avant la loi du 9 décembre 1905, à l’État, aux départements, communes et établissements publics.

Aux termes du paragraphe 15, « les biens réclamés, en vertu du paragraphe 14, à l'État, aux départements, aux communes et à tous établissements publics ne seront restituables, lorsque la demande ou l'action sera admise, que dans la proportion correspondant aux charges non exécutées, sans qu'il y ait lieu de distinguer si lesdites charges sont ou non déterminantes de la libéralité ou du contrat de fondation pieuse, et sous déduction des frais et droits correspondants payés lors de. l'acquisition des biens. »

Il a été entendu, au cours de la discussion, que ces dispositions ne sont pas applicables aux biens des anciens établissements ecclésiastiques qui sont actuellement sous séquestre et dont le sort est réglé par l'art. 9 (modifié) de la loi du 9 déc. 1905.

En ce qui concerne les biens de l’État visés par le paragraphe 14, il appartient aux différents services ministériels sous la main desquels sont placés ces biens d'assurer l'exécution des paragraphes 14 et 15 de l'art. 3.

L'instruction des instances sera, le cas échéant, préparée et suivie par les directeurs, de concert avec les préfets, conformément à l'ordonnance du 6 mai 1838.

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IV. — Dévolution des biens ayant appartenu aux établissements ecclésiastiques. Formalités consécutives a cette dévolution.

42. Règle générale. — Le législateur, en 1905 et 1907, avait voulu qu'à défaut d'associations cultuelles les biens des établissements ecclésiastiques fussent dévolus à des établissements communaux d'assistance ou de bienfaisance (L. 9 déc. 1905, art. 9, 1er alinéa ; L, 2 janv. 1907, art. 2 ; annexe n°II ).

Cette règle générale est de nouveau affirmée dans la loi du 13 avril 1908, dont l'article 1, § 1 est ainsi conçu :

« Les biens des établissements ecclésiastiques qui n'ont pas été réclamés par des associations cultuelles constituées dans le délai d'un an à partir de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 seront attribués par décret à des établissements communaux de bienfaisance ou d'assistance situés dans les limites territoriales de la circonscription ecclésiastique intéressée, ou, à défaut d'établissement de cette nature, aux communes ou sections de communes, sous la condition d'affecter aux services de bienfaisance ou d'assistance tous les revenus ou produits de ces biens... »

Le principe comporte, toutefois, les exceptions ci-après :

49. Édifices affectés au culte et meubles les garnissant. La première dérogation est une conséquence de l'article 5 de la loi du 2 janvier 1907, qui, en vue de ne pas porter atteinte au libre exercice du culte, avait laissé à la disposition des fidèles pour la pratique de leur religion les édifices affectes au culte qui avaient appartenu aux établissements ecclésiastiques, ainsi que les meubles les garnissant. Il a paru qu'il ne convenait pas d'incorporer dans le patrimoine d'établissements charitables des églises et des objets servant au culte, qui sont sans rapport direct avec la destination de ces établissements, et qu'il y avait, au contraire, intérêt à rendre plus uniforme la législation en plaçant dans le patrimoine des communes, déjà propriétaires de l'immense majorité des églises, ceux de ces édifices qui étaient propriétés fabriciennes. Tel est l'objet du n° 1 du paragraphe 1 portant que les « édifices affectés au culte lors de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 et les meubles les garnissant deviendront la propriété des communes sur le territoire desquelles ils sont situés, s'ils n'ont pas été restitués ni revendiqués dans le délai légal ».

Par l'effet de cette disposition, les édifices et les meubles qu'elle vise et sur lesquels le séquestre a été apposé en exécution des paragraphes 8 et 13 de l'instruction n° 3198 échappent de piano à la mainmise de l'administration des domaines. Les procès-verbaux de prise de possession desdits immeubles et objets mobiliers ainsi que les sommiers des biens ecclésiastiques devront être annotés en conséquence; mais les directeurs n'auront à provoquer une mainlevée du séquestre que dans le cas où l'arrêté préfectoral qui l'a prononcé aura nommément désigné l'édifice du culte et les objets le garnissant.

Comme conséquence de ce dessaisissement, le séquestre doit s'abstenir de pourvoir, sur ]es fonds de l'ancien établissement ecclésiastique propriétaire, aux. frais de réparations, d'assurance et autres charges afférentes aux édifices et aux objets du culte. L'article 5 de la loi nouvelle, complétant à cet égard l'article 13 de la loi du 9 décembre 1905, autorise, en effet, les communes à « engager les dépenses nécessaires pour l'entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi ».

50. Salles de catéchisme. Doivent être considérés, pour l'application des dispositions précédentes, comme des immeubles affectés à l'exercice du culte, les édifices connus sous le nom de « salles de catéchisme », qui, à défaut de place suffisante dans l'église, servaient exclusivement, à l'époque de la séparation, à l'enseignement du catéchisme. (Décis. min. Fin. et Cultes des 17 août 1907-20 janvier 1908.),

51. meubles ayant appartenu aux établissements ecclésiastiques et garnissant les édifices qui appartiennent à l’État, aux départements et aux communes. — D'après l'instruction n° 3198, § 8, les objets mobiliers placés dans les édifices désignés à l'article 12, §2 de la loi du 9 décembre 1905, c'est-à-dire dans les cathédrales, églises, chapelles, archevêchés, évêchés, presbytères et séminaires, étaient censés, jusqu'à preuve contraire, appartenir à l’État, aux départements ou aux communes propriétaires desdits édifices et se trouvaient, par conséquent, soustraits au séquestre, tant qu'il n'aurait pas été établi qu'ils étaient la propriété des établissements supprimés.

La loi nouvelle (art. 1, § 1-6°) dispose que « les meubles ayant appartenu aux établissements ecclésiastiques qui garnissent les édifices désignés à l'article 12, § 2 de la loi du 9 décembre 1905 deviendront la propriété de l’État, des départements et des communes propriétaires desdits édifices, s'ils n'ont pas été restitués ni revendiqués dans le délai légal ».

Ce texte se référant à l'article 12, § 2 de la loi du 9 décembre 1905, on pourrait considérer de prime abord qu'il a dispose, d'une manière générale, à l'égard des objets mobiliers garnissant les édifices affectés au logement des ministres du culte (archevêchés, évêchés, presbytères et séminaires), comme de ceux se trouvant dans les édifices servant à l'exercice public de ce cuite. Il s'en suivrait que les meubles existant dans un évêché, par exemple, seraient déclarés propriété de l’État, par le seul fait que l’État est propriétaire de l'édifice et sans qu'il y ait à tenir compte des droits antérieurs des établissements ecclésiastiques sur ces meubles, M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des cultes, a exprimé l'avis qu'une semblable interprétation ne serait pas conforme aux intentions manifestées par le législateur dans les travaux préparatoires de la loi et desquels il découle nettement que l'on a entendu viser, par le paragraphe 1-2° de l'article 1, exclusivement les objets mobiliers placés dans les édifices publics du culte.

Ainsi, dans l'exposé des motifs du projet de loi qui, sur ce point, a été adopté sans modification par la Chambre et par le Sénat, le gouvernement, s'expliquant sur les dérogations apportées par les 1° et 2° du paragraphe précité au principe général de la dévolution des biens des anciens établissements ecclésiastiques au profit des établissements communaux d'assistance et de bienfaisance, s'est exprimé de la manière suivante :

« Les deux premières dérogations au principe général que comporte le projet sont une conséquence qu'il a paru nécessaire de tirer de la loi du 2 janvier 1907. Dans le dernier paragraphe de l'article 5 de cette loi, le législateur, en vue de ne pas porter atteinte au libre exercice du culte, a décidé que les édifices affectés aux cultes qui avaient appartenu aux établissements ecclésiastiques, ainsi que les meubles les garnissant, conserveraient leur affectation et demeureraient des lieux de culte. On a ainsi enlevé aux établissements charitables la possession utile de ces édifices et de ces meubles, interdit, tant que leur affectation au culte serait maintenue, leur vente ou leur location. Il a paru au gouvernement qu'il ne convenait pas d'incorporer dans le patrimoine d'établissements charitables des églises et des objets servant au culte qui sont sans rapport direct avec la destination de ces établissements; il y avait, au contraire, intérêt à rendre plus uniforme la législation en plaçant dans le patrimoine des communes, déjà propriétaires de l'immense majorité des églises, les églises qui étaient propriétés fabriciennes et qui sont au nombre de dix-sept cents environ.

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« Ce qui est vrai des églises fabriciennes, l'est également des meubles meublants et autres objets mobiliers ayant appartenu aux fabriques, mais qui sont placés dans les anciennes églises paroissiales ou cathédrales et demeurent, affectés au culte en vertu de l'article 5, §§ 1, 2 et 3 de la loi du 2 janvier 1907. En fait, d'ailleurs, ces meubles et objets n'ont donné lieu, de la part de l'administration des domaines chargée du séquestre, à aucune prise de possession effective. La distinction entre ceux de ces meubles qui appartenaient aux fabriques et ceux qui appartenaient aux communes ou à l’État est souvent difficile à faire et peut être une source de difficultés ou de procès. Il y a donc avantage à la rendre inutile en donnant un même propriétaire à l'édifice affecté au culte et aux meubles qui le garnissent. On ne prive d'ailleurs ainsi les établissements charitables d'aucun avantage appréciable. » ...

Il ressort avec évidence de cet exposé que les seuls objets mobilier qui doivent, au point de vue du droit de propriété, suivre désormais le sort de l'édifice dans lequel ils se trouvent sont ceux qui, aux termes de l'article 5, §§ 1, 2 et-3 de la loi du 2 janvier 1907, sont demeurés affectés au culte, c'est-à-dire ceux garnissant les édifices publics du culte et dont l’État, les départements et les communes ne deviennent propriétaires qu'à charge de respecter l'affectation.

La même interprétation ressort avec une égale évidence du rapport fait par M. Raynaud au nom de la commission de la Chambre des députés ; et la discussion qui s'est élevée au sein de cette assemblée dans la séance du 4 novembre 1907 atteste encore que les meubles servant à l'exercice public du culte ont fait, lors des délibérations sur les textes dont il s'agit, l'unique objet des préoccupations du législateur.

Les dispositions du paragraphe 1-2° de l'article 1 ne s'appliquent donc pas aux biens meubles existant dans les évêchés,.archevêchés, presbytères et séminaires.

Pour ceux, au contraire, qui garnissent les édifices du culte appartenant à l’État, aux départements ou aux communes; le séquestre cesse de plein droit. Les agents auront donc à se conformer, pour les annotations et, s'il y a lieu, pour la mainlevée du séquestre, aux règles tracées supra, n° 49 in fine.

52. Objets présentant un intérêt au point de vue de l'art ou de l'histoire. Une troisième dérogation à l'article 9, § 1 de la loi de 1905 est relative aux documents d'archives présentant un intérêt historique, aux livres rares et manuscrits précieux, aux objets d'art qui sont compris dans le patrimoine des établissements ecclésiastiques. Il a paru que la valeur scientifique, littéraire ou artistique de ces objets s'opposerait à ce que les établissements de bienfaisance ou d'assistance les affectassent utilement à leur mission charitable, et qu'on ne pouvait guère imposer à ces établissements le soin parfois coûteux de veiller à leur conservation. C'est pour ces motifs qu'aux termes du paragraphe 1-5°, « les documents, livres, manuscrits et œuvres d'art ayant appartenu aux établissements publics et non visés au 1° du présent paragraphe pourront être réclamés par l’État, en vue de leur dépôt dans les archives, bibliothèques ou musées et lui être attribués par décret ».

Le droit de prélèvement ainsi accordé à l’État pourra s'exercer sur tous les meubles présentant un caractère artistique ou historique, qui deviennent la propriété des départements ou des communes, à l'exception toutefois de ceux visés au paragraphe 1-1° de l'article 1.

Le soin de dresser la liste de ces objets a été confié à des délégués des services intéressés dépendant du ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts. Tant que ces listes n'auront pas été dressées dans leur département, les directeurs s'abstiendront de provoquer l'aliénation des meubles des établissements ecclésiastiques supprimés. De même, ils ne prescriront la vente d'aucune bibliothèque sans une autorisation préalable de l'administration.

En aucun cas, le séquestre ni le domaine n'auront à supporter les frais qu'entraîneront la confection de l'inventaire et le transport des « documents, livres, manuscrits et œuvres d'art » dans les archives, bibliothèques et musées.

53. Biens des anciens établissements diocésains. D'après les dispositions combinées des nos 3 et 4 du paragraphe 1 de l'article 1, les biens des menses archiépiscopales et épiscopales, chapitres et séminaires, sont, à la différence du patrimoine des établissements paroissiaux, exclus de l'attribution aux établissements communaux d'assistance ou de bienfaisance, pour faire l'objet, suivant leur nature, d'affectations distinctes : les uns (immeubles bâtis, autres que les édifices affectés au culte, qui n'étaient pas productifs de revenus lors de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905, ainsi que les cours et jardins y attenant) seront attribués, par décret, soit à des départements, soit à des communes, soit à des établissements publics pour des service d'assistance ou de bienfaisance ou à des services publics; les autres, ainsi qu'on l'a expliqué (supra,n°35), serviront au payement du reliquat des dettes régulières ou légales de l'ensemble des établissements ecclésiastiques compris dans le diocèse, et l'actif disponible, après acquittement de ce passif, sera attribué par décret à des services départementaux de bienfaisance ou d'assistance.

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56. Formalités relatives a la dévolution. Elles sont indiquées dans l'article 4, dont les paragraphes 2 et 4 sont ainsi conçus :

« § 2, — Les transferts, transcriptions, inscriptions et mainlevées, mentions et certificats, seront opérés ou délivrés par les compagnies, sociétés et autres établissements débiteurs, et parles conservateurs des hypothèques, en vertu soit d'une décision de justice devenue définitive, soit d'un arrêté pris par le préfet en conseil de préfecture, soit d'un décret d'attribution... »

« § 4. — Les attributaires de biens immobiliers seront, dans tous les cas, dispensés de remplir les formalités de purge des hypothèques légales. Les biens attribués seront francs et quittes de toute charge hypothécaire ou privilégiée qui n'aurait pas été inscrite avant l'expiration du délai de six mois à dater de la publication au Journal officiel ordonnée par le paragraphe 7; »

57. Salaires des conservateurs. L'accomplissement des formalités hypothécaires prévues par ces textes donnera lieu à la perception des salaires ordinaires des conservateurs.

58. dispositions fiscales. Mais le paragraphe 3 du même article 4 affranchît des droits de timbre, d'enregistrement et de toute autre taxe « les arrêtés et décrets, les transferts, transcriptions, inscriptions et mainlevée, mentions et certificats-opérés ou délivrés en vertu desdits arrêtés et décrets ou des décisions de justice » mentionnés au paragraphe 2.

Cette disposition complète et précise le principe formule dans l'article 10 de la loi du 9 décembre 1905, suivant lequel ce les attributions prévues par les articles précédents ne donnent lieu à aucune perception au profit du Trésor ».

L'immunité qu'elle prononce est applicable notamment : au droit de transmission établi par l'article 6 de la loi du 23 juin 1857 sur toute cession ou transfert de titres d'actions et d'obligations dans une société, compagnie ou entreprise quelconque ; à la taxe hypothécaire qui frappe les transcriptions, inscriptions et mentions de subrogations ou radiations :(L. 27 juill. 1900; Instr., n° 3018) ; au droit proportionnel de 0,20 p. 100 exigible sur les actes de mainlevée d'hypothèques.

Demeurent, au contraire, assujettis aux règles ordinaires de la législation fiscale tous les actes de la procédure engagée devant les tribunaux par les créanciers ou par les tiers qui exercent l'action en reprise, ainsi que les décisions judiciaires intervenues à l'occasion de ces instances.

On rappelle que le mémoire préalable prescrit par les paragraphes 5 et 10 de l'article 3 est exempt de timbre ; et, d'après la pensée du législateur, cette immunité doit être étendue au récépissé du mémoire.