"Archives Israélites"
jeudi 12 octobre 1905
LA SÉPARATION, L'ÉGLISE & LES ISRAÉLITES
Les catholiques accusent volontiers les Juifs d'être
la cause de tous les malheurs qui, en ces dernières années,
sont venus fondre sur l'Église. A lire leurs feuilles et à
entendre leurs orateurs, toutes les mesures prises par l'État laïque
pour se défendre auraient été inspirées par
les israélites.
La vérité est beaucoup plus simple
: l'Église, par ses entreprises sur le domaine civil, par son attitude
d'insubordination, a provoqué la politique dont elle souffre.
Bien plus, non seulement les Juifs sont innocents
de toutes les noires pensées dont on les charges, mais ils ont contribué
à rendre la loi sur la Séparation qui pouvait devenir une
arme terrible contre le catholicisme, beaucoup plus douce qu'on ne l'espérait.
menacée, ainsi que les protestants, de voir leur culte frappé
dans ses œuvres vives par le projet déposé à la Chambre,
ils ont obtenu des amendements à la loi dont l'Église catholique
profitera. M. Georges Berry, député, dans le livre qu'il
vient de publier sur la Séparation, le reconnaît en ces termes
:
Les Israélites
eux-même firent entendre leurs plaintes, réclamant instamment
la possibilité de constituer des unions avec une direction centrale,
et démontrant qu'en permettant à leurs communautés
de se fédérer, non seulement on les mettra à même
de s'aider les uns les autres, mais qu'on leur laissera l'espoir de maintenir
dans son unité et dans sa force l'organisme qui s'appelle le Judaïsme
français.
On se
rend compte de l'effet produit sur la Commission par toutes ces protestations.
Étrangler,
anéantir le culte catholique, soit, c'était parfait ; mais
contrarier les développement de l'Église protestante et surtout
ceux de l'Église israélite, c'était autre chose; cela
demandait réflexion.
Après
tout, s'écria l'un de nos collègues de la Commission, nous
ne devons pas oublier qu'un grand nombre d'associations protestantes et
la plupart des communautés israélites ont lutté, à
nos côtés, pour la justice et la vérité, lors
de l'affaire Dreyfus; oui, mais, répondait son voisin, prenez garde,
si vous accordez le droit de s'unir à toutes ces associations cultuelles,
c'est une nouvelle force dont vous allez doter les catholiques ...
Ah !
si les consistoires, les synodes n'avaient pas fait entendre leurs protestations,
la loi n'eût même pas permis les unions entre les associations
d'un seul département, et sous l'influence de M. Combes -je peux
en parler, ayant jugé son état d'esprit lorsque je l'ai entendu
à la Commission - on eût été jusqu'à
interdire l'union cantonale.
Il est vrai que cette Séparation libérale,
qui n'allumera pas la guerre civile dans le pays, mais qui, au contraire,
assurera la paix des consciences, n'est pas du goût de M. Drumont,
et que certains catholiques de sa trempe violente auraient préféré
un régime draconien dont on aurait fait retomber la responsabilité
sur ces malheureux Juifs, tête de Turcs de ces Messieurs, sur lesquels,
depuis quelque temps, les occasions ou plutôt les prétextes
de frapper deviennent de plus en plus rares, ce qui aura pour conséquence
de tuer la poule aux œufs d'or que fut naguère l'antisémitisme.
H.P.
L'ALGÉRIE RECONQUISE
Dans l'Algérie arrachée en 1900 au joug
ignominieux de l'antisémitisme qui s'y était montré
sous sa vraie couleur, c'est-à-dire sauvage, deux Conseils municipaux,
celui de Constantine et celui d'Oran étaient demeurés, qui
par leur composition, rappelaient l'odieuse domination juive. Partout ailleurs,
la députation, les Conseils généraux et les Conseils
municipaux avaient été purgés de l'élément
hostile à nos coreligionnaires.
Or, celui de Constantine a mis tant d'eau dans son
vin qu'on ne peut plus vraiment le considérer comme antisémite.
Le maire, M. Morinaud, qui fut avec Drumont l'un des mousquetaires de l'antisémitisme
à la Chambre où il n'a pas été réélu,
a publiquement renié l'idole antijuive, et accablé de ses
démonstrations sympathiques nos coreligionnaires après les
avoir dénigrés sur le mode qu'on se rappelle
.................
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